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[INTERVIEW] « Le notaire invente en fonction des besoins du client » (Me Thierry Delesalle, Président du 118e Congrès des Notaires)

[INTERVIEW] « Le notaire invente en fonction des besoins du client » (Me Thierry Delesalle, Président du 118e Congrès des Notaires)

Avec pour thème l’ingénierie notariale, le 118e Congrès des Notaires de France, qui se tiendra à Marseille du 12 au 14 octobre 2022, met en lumière la multiplicité du conseil prodigué par les notaires et les nouvelles perspectives du métier. À l’approche de cet événement de la profession, Maître Thierry Delesalle, son Président, revient pour le Village des Notaires sur cinq des cordes que compte le notaire à son arc. À la fois ingénieur notarial, créateur de droit, family officer, médiateur et auditeur, son expertise n’a de cesse de s’étendre.

Village des Notaires : L’ingénierie notariale est le cœur des travaux du Congrès 2022. Que recouvre la notion d’ingénieur notarial ?

Thierry Delesalle : L’ingénierie notariale est une nouvelle sémantique qui a été choisie pour le 118e Congrès au terme d’un long brainstorming. Avec ce thème, nous avons voulu faire prendre conscience aux confrères de toute la science développée par la profession depuis le Moyen Âge. Aujourd’hui, l’ingénierie notariale proprement dite est développé dans les études.

La science du notaire consiste avant tout à anticiper pour se mettre à la place du client qui, souvent, consulte pour l’entrée sans envisager la sortie. Par exemple, à l’occasion d’un mariage, on va penser au contrat de mariage mais rarement au divorce, à la transmission ou encore au décès. Idem dans le cas de deux associés d’une société envisageant les statuts mais n’anticipant pas forcément les potentiels conflits qui pourraient survenir entre eux. Autre exemple lorsqu’il s’agit d’acheter un bien : il faut s’interroger sur le meilleur mode de détention en fonction de l’usage que l’on veut en faire, de la durée de détention, etc. C’est là le cœur de l’anticipation faite par les confrères, sans même, parfois, que les clients s’en rendent compte.

Nous souhaitons passer au sur-mesure du conseil notarial, voire à la haute couture

Être un ingénieur notarial implique pour le notaire de se former et, à ce titre, le Congrès met cette année l’accent sur la formation. Le conseil notarial est aujourd’hui souvent prêt-à-porter. Or nous souhaitons passer au sur-mesure, voire à la haute couture, ce qui ne va pas sans formation, que ce soit pendant comme en marge du Congrès. Cette année, nous avons mis en place quatre parcours de formation (immobilier, entreprise, famille, family office) pour donner de l’appétit aux confrères et les inciter à se spécialiser dans de nouveaux domaines.

V. N. : Autre facette du métier, et pas des moindres, en quoi le notaire est-il créateur de droit ?

T. D. : L’adaptation et la création du droit est un autre aspect de l’ingénierie notariale. Il s’agit d’adapter des actes et des formules pour le plus grand bien des clients. Le notaire invente en fonction de leurs besoins. Depuis 150 ans, l’ordre public de direction et l’ordre public de protection sont omniprésents. En conséquence, l’espace de liberté pour créer le droit est devenu assez ténu. Le Congrès des notaires, qui nécessite deux ans de travail, est un véritable processus de recherche et développement sur le droit qui reste malgré tout astreint à cet ordre public. Pour pouvoir adapter et créer le droit, nous identifions toutes les sources de conflits qui existent parmi nos clients. Nous réalisons actuellement un sondage parmi eux qui sera rendu public prochainement afin d’appuyer nos propositions.

Nos propositions sont une véritable source pour les pouvoirs publics, qui se réfèrent à nos travaux pour certains projets de lois

Nous avons comptabilisé 120 textes de loi qui proviennent de propositions du Congrès depuis une cinquantaine d’années. Ce travail d’inventaire est encore en cours, y compris en ce qui concerne la jurisprudence, et illustre bien le rôle de créateur de droit du notaire. Il est assuré par l’Institut d’Études Juridiques (IEJ) du Conseil supérieur du notariat (CSN), qui a été refondu récemment et comprend désormais une section chargée du suivi des propositions du Congrès. Ces propositions sont une véritable source pour les pouvoirs publics, qui se réfèrent à nos travaux pour certains projets de lois dans le cadre desquels nous sommes amenés à intervenir directement : il m’est arrivé à plusieurs reprises d’être invité au Sénat, à la Chancellerie ou à la Chambre des députés pour discuter de tel ou tel thème évoqué dans certaines propositions. Il y a donc un « service après-vente » qui prolonge le Congrès !

V. N. : Le Congrès a aussi pour objectif de révéler la fonction de family officer du notaire. Quid de cette casquette ?

T. D. : Le terme « family office » recouvre un conseil patrimonial « augmenté ». On y retrouve tous les domaines de conseil. Le business model est à créer, notamment en ce qui concerne la rémunération de ce conseil. En matière immobilière, il s’agit de proposer aux clients une gestion qui n’est plus passive, ce qui comprend notamment l’inventaire du patrimoine et la définition de stratégies suivant leurs objectifs (complément de revenus, transmission…). On se met à la place du client pour améliorer le patrimoine et faire des arbitrages. Dans un autre registre, la convention de quasi-usufruit après une succession est un exemple typique de ce que peut faire concrètement le notaire family officer. Il s’agit véritablement d’une autre approche client.

Je suis très optimiste sur l’avenir du notariat dans le family office, car nous avons déjà la confiance du client

À un stade encore supérieur, on peut aussi délivrer du conseil sur des transmissions transgénérationnelles ou encore sur les entreprises quelle que soit leur taille. Les confrères se font parfois, à tort, une idée selon laquelle le family office est réservé aux familles fortunées et n’intéresse que les notaires parisiens. En réalité, ce type de conseil intéresse n’importe quelle petite entreprise en province. Je suis très optimiste sur l’avenir du notariat dans ce domaine car nous avons déjà la confiance du client, plus que ne peuvent l’avoir le banquier, l’expert-comptable, l’avocat fiscaliste ou le conseiller en gestion de patrimoine.

Le notaire a une place toute trouvée en tant que chef d’orchestre avec, autour de la table, tous les autres conseils du client

Mais cela ne veut pas dire que nous y travaillerons seuls : à partir d’un certain seuil de complexité, le family office s’inscrit totalement dans l’interprofessionnalité. Les clients ont tendance à compartimenter les informations qu’ils donnent aux différents professionnels, tandis qu’ils sont plus enclins à en faire le panorama à leur notaire, qui est capable de déceler leurs intentions cachées. Le notaire a donc une place toute trouvée en tant que chef d’orchestre du family office avec, autour de la table, tous les autres conseils du client.

V. N. : On connaît également le notaire médiateur. Dans quelle mesure ce rôle est-il « taillé » pour la profession ?

T. D. : Le notaire est déjà médiateur par essence dans le cadre des dossiers de successions et de divorces conflictuels, et ce pour une raison toute simple : il est payé à l’acte, contrairement à l’avocat pour lequel, quelque part, plus le conflit dure, mieux c’est pour lui. Dès que le conflit est latent, l’objectif du notaire est d’arriver à un accord. En revanche, lorsqu’il s’agit de médiation à part entière, il n’y a pas d’acte à la clé et le notaire n’est rémunéré que pour la médiation : c’est la « médiation moderne ».

Cette médiation se met en place petit à petit avec le relais de chambres de médiation un peu partout en France. Selon moi, cette médiation est amenée à se développer surtout en droit de la famille, un peu moins en droit de l’entreprise. Le rôle de médiateur du notaire s’envisage aussi dans le cadre du family office. Lors de Congrès, nous proposerons d’ailleurs un cours consacré à la médiation.

V. N. : Moins connue est la fonction d’auditeur du notaire. Qu’implique-t-elle à son tour ?

T. D. : Le Congrès de cette année s’intéresse à l’audit des sociétés et de l’entreprise. Aujourd’hui, une entreprise qui doit se vendre ou fusionner doit faire acte de bonne foi sur de nombreux éléments, ce pourquoi la compliance est devenue centrale. Cette question intéresse notamment beaucoup les banques dans le cadre du financement d’entreprises et peut donc aider à faciliter le crédit. On s’est rendu compte que la compliance était faite et contrôlée en interne dans les sociétés. Or l’autocontrôle n’apparaît pas suffisant.

Les notaires auditeurs peuvent aussi être des lanceurs d’alerte

L’idée est que le notaire soit un auditeur reconnu par la loi pour réaliser ce même audit de l’extérieur. Cela va de la bonne tenue du secrétariat au fait de s’assurer que les fournisseurs ne traitent pas avec tel pays à risque, en passant par la vérification de l’identité d’un vendeur de parts, sans empiéter sur la mission du commissaire aux comptes. Les notaires connaissent déjà par cœur, par exemple, les exigences de Tracfin. C’est donc un domaine où ils pourraient aller plus loin. Des avocats spécialisés œuvrent déjà en ce sens pour les grandes cessions ou fusions mais cela n’est pas réglementé.

Les notaires auditeurs peuvent aussi être des lanceurs d’alerte. Plus que dresser un constat, il s’agirait aussi de faire des préconisations pour optimiser la compliance. On pourrait par exemple envisager d’attribuer des notes aux entreprises. Le notariat a là aussi toutes ses chances.

Propos recueillis par Alix Germain
Pour la Rédaction du Village des Notaires

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