I) Distinction entre actes d’administration et actes de disposition.
Le Code civil précise la distinction entre « actes d’administration » et « actes de disposition ». Ainsi, l’article 496, issu de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, dispose que :
« la liste des actes qui sont regardés, pour l’application du présent titre, comme des actes d’administration relatifs à la gestion courante du patrimoine et comme des actes de disposition qui engagent celui-ci de manière durable et substantielle est fixée par décret en Conseil d’État ».
Le décret visé par ce texte est le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008. Aux termes de l’article 2 de ce texte, constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire.
Ce décret comporte deux annexes importantes avec, pour chacune, deux tableaux à double colonne.
Concernant les actes d’administration : figure dans la colonne 1 du tableau constituant l’annexe 1 du décret une liste des actes qui sont regardés comme des actes d’administration. Figure dans la colonne 1 du tableau constituant l’annexe 2 du décret une liste non exhaustive d’actes qui sont regardés comme des actes d’administration, à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au tuteur de considérer qu’ils répondent aux critères des actes de disposition, en raison de leurs conséquences importantes sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie.
Concernant les actes de disposition : figure dans la colonne 2 du tableau constituant l’annexe 1 du présent décret une liste des actes qui sont regardés comme des actes de disposition.
Figure dans la colonne 2 du tableau constituant l’annexe 2 du présent décret une liste non exhaustive d’actes qui sont regardés comme des actes de disposition, à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au tuteur de considérer qu’ils répondent aux critères des actes d’administration en raison de leurs faibles conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie.
Ces deux annexes permettent donc de préciser les critères qui distinguent les actes d’administration et des actes de disposition.
II) Une distinction fondamentale pour déterminer le régime d’autorisation applicable.
La distinction entre actes d’administration et actes de disposition est fondamentale pour déterminer le régime juridique applicable. En effet, de la combinaison des articles 382 et 382-1 du Code civil, il résulte que si l’autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, chacun d’entre eux est administrateur légal. Et lorsque l’administration légale est exercée en commun par les deux parents, chacun d’eux est réputé, à l’égard des tiers, avoir reçu de l’autre le pouvoir de faire seul les actes d’administration portant sur les biens du mineur. Ainsi, pour les actes d’administration, qui concernent la « gestion courante du patrimoine » des mineurs, chacun des parents est présumé pouvoir agir seul, et les tiers de bonne foi sont protégés. Les textes consacrent donc la pleine compétence des parents dans la gestion des biens de leur enfant mineur, en lien direct avec l’exercice de l’autorité parentale.
En revanche, les actes de disposition, qui engagent le patrimoine du mineur de manière « durable et substantielle », sont soumis à un régime plus strict. La jurisprudence a précisé que ces actes ne peuvent être accomplis que par les deux administrateurs légaux agissant conjointement, sauf autorisation judiciaire en cas de désaccord ou d’impossibilité pour l’un des parents de manifester sa volonté (voir après).
Ainsi, dans l’arrêt de la Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 juin 2025, 24-13.604, Publié au bulletin, la haute juridiction a jugé que « selon l’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, est un acte de disposition la modification de tout compte ou livret ouverts au nom de la personne protégée ». Il peut s’agir, à titre d’exemple, d’un livret A ou d’un livret jeune. La Cour de cassation poursuit ainsi son raisonnement : « l’arrêt énonce que la banque est tenue à un devoir de vigilance et constate que le père a fait procéder, seul, à des virements sur chacun des trois comptes d’épargne ouverts aux noms de ses enfants mineurs. Il en résulte que la banque, en ne sollicitant pas l’autorisation de l’autre parent pour accomplir ces actes de disposition, a commis une faute engageant sa responsabilité ». Cet arrêt confirme l’obligation, pour les tiers, notamment les établissements bancaires, de s’assurer du consentement des deux parents pour tout acte de disposition portant sur les biens du mineur. À défaut, leur responsabilité peut être engagée.
Avant cet arrêt du 12 juin 2025, plusieurs cours d’appel avaient retenu ce même principe de double consentement. Ainsi, la Cour d’appel de Rennes, 2e chambre, 18 septembre 2020, n° 17/01938 avait également rappelé que « si chacun des parents peut accomplir seul les actes d’administration, les actes de disposition doivent être accomplis d’un commun accord et à défaut avec l’autorisation du juge des tutelles ». Dans cette affaire, le père avait prélevé des sommes importantes sur le compte de l’enfant sans l’accord de la mère, ce qui a conduit à sa condamnation à réparer le préjudice causé à l’enfant.
De même, la Cour d’appel de Versailles, 16ᵉ chambre, 14 décembre 2017, n°16/02928 avait précisé que « les aliénations de valeurs mobilières et autres droits incorporels constituent des actes de disposition qui ne peuvent être accomplis que par les deux administrateurs légaux d’un mineur ». La cour avait ainsi confirmé la responsabilité de la banque qui avait permis à un seul parent d’effectuer de telles opérations sans l’accord de l’autre. Dans un arrêt du même jour, la Cour d’appel de Versailles avait également jugé que « c’est par une exacte appréciation des faits de la cause et par des motifs que la cour reprend à son compte que le premier juge (…) a retenu que faute de s’être assurée au préalable de l’accord des deux administrateurs légaux, la société Boursorama, qui a permis à M. A seul d’effectuer des opérations de vente et d’achat de titres de nature à provoquer des pertes de capital, de s’approprier la somme totale de 37.880 € en effectuant des virements du compte litigieux sur un autre compte qu’il détenait et de clôturer le compte a failli dans son devoir de vigilance et a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de Mme Y A et le jugement sera confirmé sur ce point » [1].
III) La saisine du juge des tutelles dans certains cas particuliers.
L’article 217 du Code civil, issu du code napoléonien de 1804, prévoit le cas d’un désaccord entre les parents ou de l’impossibilité pour l’un des parents d’exprimer son consentement : « un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille ». C’est alors le juge des tutelles qui devra être saisi.
Conclusion.
La distinction entre actes d’administration et actes de disposition est essentielle pour l’application du régime juridique approprié.
Il résulte de l’ensemble des textes et de la jurisprudence que les actes de disposition portant sur les biens d’un mineur doivent, en principe, être accomplis conjointement par les deux parents exerçant l’administration légale. Cette exigence vise à garantir la protection du patrimoine du mineur et à prévenir les abus. Il s’agit donc de préserver l’intérêt de l’enfant et de prévenir les risques de dilapidation ou de gestion unilatérale de son patrimoine qui peut survenir notamment en période de séparation des parents.
Les tiers, notamment les établissements bancaires, doivent s’assurer du respect de cette règle, sous peine d’engager leur responsabilité.
Il apparait donc que l’épargne des enfants doit être un sujet abordé entre parents avec une vigilance de gestion commune.
Dans le cadre des séparations parentales, il apparait important d’aborder ces questions grâce aux modes amiables afin qu’elles puissent être engagées sereinement et dans l’intérêt supérieur des enfants. Il peut être utile de réfléchir à la constitution d’une épargne, financée par l’un ou les deux parents, par des grands-parents ou des tiers (parrain, marraine…) proche de l’enfant, pour la financement des études ou leur faciliter l’achat d’un véhicule ou d’un bien immobilier.
Article initialement publié sur le Village de la Justice.
Notes :
[1] Cour d’appel de Versailles, 16e chambre, 14 décembre 2017, n° 16/02642.
Barbara Régent
Avocate au Barreau de Paris, co-fondatrice des associations Les Avocats de la Paix et Humanethic
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