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Les outils juridiques de protection des arbres

Les outils juridiques de protection des arbres

230 ans après l’adoption de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, l’Assemblée Nationale a proclamé, le 5 avril 2019, la Déclaration des Droits de l’Arbre. Un texte qui entérine le rôle déterminant des arbres dans notre quotidien et dans la protection de l’environnement, pour éveiller les consciences parmi le grand public et inciter les pouvoirs publics à légiférer pour protéger les arbres en tant que sujets de droit à part entière. À l’échelle individuelle, il existe désormais des moyens juridiques d’assurer la protection de notre patrimoine arboré.

Vers une protection des arbres par la loi ?

L’arbre dans le Code civil

En droit, l’arbre n’a pas de définition juridique propre, mais il est considéré comme un bien immobilier au sens de l’article 518 du Code civil, qui dispose : « Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature ». Il s’envisage sous l’angle de la propriété du terrain sur lequel il est enraciné. Concrètement, son propriétaire est donc libre d’en faire ce que bon lui semble, et donc de le couper voire de le détruire à sa guise.

Précisons que l’article 673 du même Code, inchangé depuis 1921, prévoit quant à lui que « Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper ». Pour ce qui est des racines qui dépasseraient sur son terrain, le voisin a le droit de les couper lui-même. Et le code civil d’ajouter que ces prérogatives sont imprescriptibles.

Cependant, le développement du droit de l’environnement, notamment via le droit de l’urbanisme et le droit rural, a peu à peu permis l’apparition de différentes dispositions tendant à considérer l’arbre non plus seulement comme un simple bien immeuble mais comme un élément inscrit dans un tout paysager qui, de fait, mériter d’être protégé. Cette dynamique a ainsi fait émerger une réglementation en faveur de l’arbre.

L’obligation réelle environnementale (ORE)

L’article 72 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a créé dans le Code de l’environnement un nouvel article L. 132-3 consacrant une obligation réelle environnementale (ORE), encore peu usitée aujourd’hui. En concluant un contrat ORE, les cocontractants s’engagent volontairement et de manière pérenne à protéger la biodiversité d’un terrain. On parle alors d’ORE patrimoniale. Naissent alors à leur charge les obligations qu’ils définissent, ayant pour finalité « le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques », et ce pour une durée pouvant aller jusqu’à 99 ans, même après un transfert de propriété.

Ce mécanisme contractuel a donc tout intérêt à être connu parmi les particuliers, les associations ou encore les collectivités territoriales. En janvier 2021, le Gouvernement a d’ailleurs publié un rapport sur la mise en œuvre des ORE et sur les moyens d’en renforcer l’attractivité.

Le dispositif des sites patrimoniaux remarquables

Prévu par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables permet de favoriser la protection du patrimoine urbain et paysager, et plus précisément des villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public.

Or les espaces ruraux et les paysages, dont, par définition, les arbres, « qui forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur [1] » peuvent eux aussi être classés à ce titre.

La proposition de loi « Arbres hors forêt »

Le milieu associatif impliqué dans la défense des arbres a vu dans la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS », l’occasion de présenter une proposition de loi visant harmoniser les différentes mesures relatives au patrimoine arboré.

Ce projet, porté par le groupe de travail « Amélioration de la législation arbres hors forêt » notamment composé du notaire fondateur de l’association La Voix de l’Arbre, propose de créer deux « labels » de protection ainsi qu’un statut spécifique pour les personnes physiques :

  • Arbres et Groupes d’Arbres Protégés (AGAP) : un outil juridique spécifique de protection des arbres à l’échelle et à l’initiative locale dans les documents d’urbanisme ;
  • Arbres et Groupes d’Arbres Protégés d’intérêt national (AGAPIN)  : un outil pour protéger, cette fois, les arbres remarquables d’intérêt national sous le contrôle des inspecteurs des sites, et ce en lien avec les collectivités locales ;
  • un statut de référent arbre au niveau des collectivités
    territoriales, chargé des questions relatives à cette protection (conseil, médiation, contrôle, instruction des autorisations, etc.).

Le projet d’amélioration entend aussi actualiser la législation en vigueur et appelle notamment ce que soit enfin rédigé le décret d’application de l’article L.350-3 du Code de l’environnement, qui protège les allées d’arbres et alignements d’arbres en bordure des voies ouvertes à la circulation publique.

Quand la protection des arbres fait jurisprudence

La clause de protection d’arbre du contrat de vente

Un arrêt fondateur rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation le 6 juin 2019 [2] a validé une clause de conservation d’un arbre qui avait été insérée dans l’acte de vente d’une maison reçu par un notaire en 2009. Était en cause une allée de cyprès située les Pyrénées Orientales.

Cette clause particulière imposait à tous les ayants droit successifs de la maison une obligation de maintien et de conservation des cyprès se trouvant sur le terrain ad vitam aeternam. Ainsi, toute la vie de ces cyprès durant, et tant qu’il ne présente pas de danger, les ayants droit avaient interdiction, par exemple, de les abattre.

Malgré l’engagement pris et figurant au contrat de vente, les nouveaux propriétaires du terrain avaient demandé l’annulation en justice de la clause protectrice en arguant qu’elle faisait peser sur eux une charge personnelle et perpétuelle illicite. Ils se sont vus débouter en première instance, en 2017, la charge imposée n’étant, selon la Cour d’appel que temporaire puisque fondée sur la durée de vie des arbres en question. Après plusieurs années de procédure, la Cour de cassation a confirmé cette position en les condamnant à replanter des arbres au même endroit.

Cette décision inédite est en passe d’être transposée pour tous les actes de transfert de propriété et a fait des émules chez les notaires.

La protection de l’arbre par testament

Deux ans après cette décision de la Cour de cassation, c’est un platane bicentenaire se trouvant en Lorraine qui s’est retrouvé dans l’actualité notariale en 2021, car étant l’objet d’une préservation imposée, en l’occurrence, par testament. Cette mesure de protection a en effet été conseillée par son notaire à la testatrice afin d’interdire à son légataire, s’il acceptait la succession, l’abattage du platane.

À défaut de respect de cette obligation, ce testament précurseur prévoit aussi que le légataire indiligent serait traduit en justice par une association exécutrice testamentaire. Un nouveau type de clause testamentaire, donc, qui va faire les beaux jours de l’ingénierie notariale !

Alix Germain
Rédaction du Village des Notaires


Notes :

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