Abordant les enjeux environnementaux, agricoles et énergétiques, la réponse de la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, révèle l’engagement de la France dans la transition énergétique et souligne des orientations stratégiques pour l’utilisation des espaces agricoles en soutien au développement durable et à la production d’énergie renouvelable. Au-delà, la demande d’explications de Mme Christine Herzog (sénatrice de la Moselle, Union Centriste) sur l’interdiction des panneaux photovoltaïques sur les terres agricoles exploitées vs leur autorisation sur les friches rurales est l’occasion de revenir sur les données juridiques sous-tendant la discussion.
Définition légale des friches
Rappelons, à la suite de la réponse de Mme Dominique Faure, que la loi Climat et Résilience [2] a introduit la notion de friche dans le Code de l’urbanisme.
Une friche est désormais légalement définie comme « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables » (C. Env., art. L.111-26).
Cette définition englobe l’ensemble des terrains, tant urbains que ruraux. Et, comme l’indique le Gouvernement, « cette notion de friche est bien différente de la notion de "friche agricole" qui désigne généralement des espaces à vocation agricole qui ont été laissés à l’abandon », que sont concernés notamment par l’article L. 112-1-1 du Code rural et de la pêche maritime.
Un enjeu de lutte contre l’artificialisation des sols et de gestion économe des espaces
La ministre l’affirme clairement : « le Code de l’urbanisme n’incite (...) pas à délaisser les terres agricoles pour les transformer en friches afin de pouvoir y implanter des installations de panneaux photovoltaïques. » Et ceci, à deux égards.
En premier lieu, le but de la réglementation est lutter contre l’artificialisation des sols [3] et à promouvoir la gestion économe des espaces [4].
À noter : selon les données de l’Agreste [5], la France a perdu 2,4 millions d’hectares de terres agricoles entre 1982 et 2018, principalement en raison de l’urbanisation et de l’artificialisation des sols [6].
Et, pour ce faire, il est essentiel de mobiliser prioritairement des gisements fonciers disponibles au sein des espaces déjà urbanisés. C’est la raison pour laquelle l’implantation des projets d’installations d’énergie photovoltaïque doit être envisagée en priorité non seulement sur les friches (au sens de la définition précitée), mais aussi sur les espaces dégradés et les bâtiments.
En second lieu, l’article 54 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables précise les conditions d’implantation des installations de production d’énergie photovoltaïque sur des terrains agricoles, en définissant les installations agrivoltaïques considérées comme nécessaires à l’exploitation agricole.
Définition : une installation agrivoltaïque est une « installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».
Il est vrai que l’on attend encore les précisions sur la mise en oeuvre du texte. Le Gouvernement indique à ce titre que le décret en Conseil d’État est en cours d’élaboration. Affaire à suivre, donc !
Source : Rép. min., QE Sénat n°04730 et n°05977, JO Sénat 12 oct. 2023, p.5842
Notes :
[2] L. n° 2021-1104, 22 août 2021 (JO 24 août), portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
[3] Min. Écologie, Artificialisation des sols
[4] Sur ce point, voir not. C. Env., art. L.141-6 à L.141-9
[5] Site de recensement agricole du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web
[6] AGRESTE, avr. 2021, L’occupation du sol entre 1982 et 2018, Dossier n°3
Ferroudja Saidoun
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)