« Apollonia » un succès commercial inédit teinté de nombreuses zones d’ombre
Dans les années 2000, la société Apollonia basée à Aix-en-Provence commercialisait des lots d’investissement immobilier clé en main sous le régime de la location meublée professionnelle.
Le succès commercial a été rapidement au rendez-vous. La clientèle composée de professions libérales ou de salariés aisés avait été séduite par les promesses commerciales de la société : autofinancer son investissement grâce à l’effet combiné des économies d’impôts et des loyers.
L’offre commerciale d’« Apollonia » visait à satisfaire les exigences d’une clientèle patrimoniale désirant constituer un patrimoine immobilier en préparation de la retraite, tout en allégeant sa charge fiscale.
Les promesses de gains, trompeuses, étaient élaborées à partir de stratégies de vente particulièrement agressives. De plus, l’entreprise projetait une image de rigueur irréprochable, car la chaîne de vente impliquait un avocat, des notaires et des institutions bancaires de référence. Il n’était pas possible de détecter la fraude avant qu’elle ne se produise et les investisseurs ont été piégés.
Durant la période allant de 2002 à 2010, « Apollonia » a commercialisé près de cinq mille lots sur plan pour un chiffre d’affaires avoisinant le milliard d’euros.
Une première plainte avait été déposée en 2008, puis elles se sont multipliées avec le temps.
Les victimes dénonçaient des prix surévalués et déconnectés de la réalité économique locale, le non-respect des délais de rétractation légaux de la loi Scrivener (pour les prêts immobiliers) ainsi que des irrégularités réglementaires et administratives dans le suivi des dossiers de vente.
De nombreux clients propriétaires se sont retrouvés dans des situations financières dramatiques.
L’entrée en lice de la Justice
Les victimes d’ « Apollonia » s’étaient regroupées au sein de l’association Asdelvim [1]. Son président a affirmé « qu’il s’agissait de la plus grande affaire d’escroquerie immobilière jamais connue dans le pays ».
L’ affaire va trouver son terme avec le procès de la société et de quatorze prévenus au total. Les accusés vont comparaître jusqu’au 6 juin 2025 pour « escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux, et blanchiment en bande organisée ».
La première condamnation civile d’un notaire
Dans un arrêt rendu le 9 mai 2025, la Cour d’appel de Paris a condamné solidairement la SCP Dubost-Jourdeneaud-Rouvier et ses assureurs (MMA IARD, AXA France IARD, ALLIANZ IARD et GENERALI IARD) à verser 625.781 euros à deux victimes à M. Franklin Durietz et Mme Aline Poly, deux victimes de l’escroquerie défendues par Maître Cécile Zakine du barreau de Marseille.
La faute professionnelle du notaire a été reconnue par la Cour qui lui reproche de ne pas avoir correctement vérifié les conditions de la garantie intrinsèque d’achèvement lors de la vente des biens. Cette négligence a empêché les acquéreurs de la protection légale prévue par le code de la construction et de l’habitation.
La cour a condamné la SCP et ses assureurs à :
- rembourser aux victimes l’intégralité du prix d’acquisition ;
- régler 50.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- régler 15.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
- régler les dépens de première instance et d’appel.
Un procès hors normes
Dans cette affaire exceptionnelle par son ampleur, plus de 760 personnes se sont déclarées parties civiles, représentées par plus de 110 avocats. Pour gérer l’affluence pendant les audiences, le tribunal de Marseille à choisi la salle des « procès hors normes » (PHN) au sein de la Caserne du Muy, située dans le 3ème arrondissement de la cité Phocéenne.
« Cette première reconnaissance judiciaire des manquements des notaires offre enfin une perspective de réparation pour l’ensemble des victimes du système Apollonia », a déclaré Me Cécile Zakine, avocate des époux Durietz-Poly.
« Apollonia » symbolise les dérives d’un système mêlant parfois la cupidité et la crédulité et souvent les promesses d’argent facile et la recherche d’économies d’impôts à tout prix.
Un investissement immobilier, notamment de défiscalisation est complexe et comporte des risques. Au-delà du discours commercial, le futur client doit mener ses propres diligences et s’entourer de professionnels d’une grande probité.
Loi « Scrivener » - Loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier |
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Notes :
Axel Masson
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)