Les petits investisseurs paient le prix fort
Avec l’essor de la bourse pour tous, de nombreux particuliers investissent aujourd’hui de faibles montants via des PEA ou des comptes-titres. Mais plus le ticket est bas, plus les frais pèsent lourd. Pour un ordre de 100 € exécuté dans un compte-titres classique, la commission moyenne est de 5,8 €, soit 5,81 % de la somme investie. À ce niveau, le simple fait d’acheter des actions entraîne une perte immédiate difficile à rattraper, surtout pour les profils prudents.
Le PEA, lui, bénéficie d’un plafonnement réglementaire qui limite les frais à 0,49 %, soit environ 0,50 € pour un ordre de même montant. Cette différence devient cruciale pour les petits épargnants, nombreux à privilégier les plateformes en ligne. Pourtant, même là, le niveau réel des frais n’est pas toujours transparent.
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Une gratuité trompeuse ?
L’arrivée des « néo-brokers » a bouleversé les pratiques. Ces plateformes, souvent basées dans un autre pays de l’UE, séduisent par des frais de courtage ultra compétitifs, voire nuls en apparence. Pour un ordre de 1 000 €, le coût moyen observé est de 1,3 € (0,13 %), contre 4,5 € dans une banque ou un courtier en ligne traditionnel. Sur des ordres plus importants, comme 10 000 €, la facture tombe à 5,1 € chez les néo-brokers, contre plus de 15 € ailleurs.
Mais derrière cette gratuité affichée, d’autres coûts s’invitent. Les frais de change ou de correspondants sur les places boursières étrangères sont rarement explicités. Plus subtils encore, les écarts entre les prix acheteur et vendeur (les spreads) peuvent varier selon les plateformes, notamment quand les conditions d’exécution ne sont pas optimales. Des écarts qui, à grande échelle, grignotent le rendement réel sans que l’investisseur en ait pleinement conscience.
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Une diminution structurelle sur les produits collectifs
Du côté des placements collectifs, la tendance est plus lisible. Depuis plus de dix ans, les frais annuels moyens appliqués aux fonds français ouverts au public ne cessent de baisser. En 2024, ils se sont établis à 1,12 %, contre 1,15 % en 2023 et 1,18 % en 2022. Pour les fonds d’actions, le recul est plus net encore : 1,33 % en 2024, contre 1,42 % deux ans plus tôt. Même dynamique pour les fonds diversifiés, passés de 1,43 % à 1,39 %.
Sur une quinzaine d’années, la chute est impressionnante : de 2,3 % à 1,4 % pour les fonds d’actions, et de 2,1 % à 1,4 % pour les fonds diversifiés. Du côté des fonds d’obligations, les frais restent bas (0,79 %), tandis que les fonds monétaires poursuivent leur remontée lente mais régulière : 0,22 % en 2024 contre 0,14 % en 2021.
Cette baisse résulte en partie de la concurrence entre gestion active et gestion indicielle. Les ETF, dont les frais sont souvent inférieurs à 0,4 %, imposent des standards plus rigoureux au marché. Les fonds d’actions gérés activement, eux, restent plus coûteux, avec un total moyen (frais courants + commissions de surperformance) de 1,43 % en 2023. Mais là encore, on observe une tendance à la baisse : en 2015, ils dépassaient les 2 %.
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Des frais qui rognent les rendements
À l’échelle européenne, les données sont tout aussi éloquentes. Sur la période 2019–2023, les frais ont réduit la performance nette des OPCVM (hors ETF) de manière significative. Pour les fonds d’actions, l’impact moyen s’élève à 2,1 % par an. Ainsi, une performance brute de 7,9 % se transforme, après frais, en 5,8 % nette pour l’investisseur. Pour les fonds mixtes, l’érosion atteint 2 %, et 1,4 % pour les fonds obligataires.
Cette réalité souligne à quel point la vigilance sur les frais est stratégique. Même si ceux-ci n’apparaissent pas toujours comme le premier critère de choix pour les particuliers, derrière le rendement ou la disponibilité des fonds, ils conditionnent largement le gain final, en particulier sur le long terme.
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L’épargnant face à la complexité de l’immobilier collectif
Les placements immobiliers via des supports comme les SCPI, les OPCI ou les plateformes de financement participatif bénéficient d’une image flatteuse : stables, peu risqués, et utiles pour diversifier une épargne. Une enquête menée fin 2024 auprès de 25 épargnants révèle cependant que cette perception initiale se heurte à une réalité plus complexe dès lors que les documents d’information sont lus en détail.
Les SCPI, par exemple, sont vues comme peu liquides. Pourtant, leur horizon de placement recommandé (dix ans) est parfois mal compris, confondu avec une période d’indisponibilité absolue. Lorsqu’ils découvrent que les parts peuvent être revendues, sous réserve de trouver un acquéreur, les investisseurs corrigent en partie leur jugement.
Les OPCI, généralement perçus comme plus accessibles, ne sont pas mieux compris. Des mentions importantes, comme le plafonnement des rachats ou les délais de remboursement, passent souvent inaperçues. Le vocabulaire employé dans les prospectus, termes comme « contrepartie », « suspension », ou « plafond », est jugé trop technique.
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Crowdfunding immobilier : le risque invisible
Sur les plateformes de financement participatif, l’attractivité est immédiate : des projets concrets, des taux élevés (jusqu’à 12 %), et une présentation simple. Pourtant, la promesse masque souvent l’essentiel. Interrogés après avoir consulté une fiche d’information réglementaire (FICI), les participants à l’enquête repèrent bien les délais de remboursement, mais ignorent dans leur grande majorité le risque principal : la perte totale du capital.
Certains se demandent ce qu’il se passe si le projet n’atteint pas son objectif de financement, ou comment l’argent prêté peut être récupéré en cas d’échec. Ces questions fondamentales ne trouvent pas toujours de réponses claires, malgré une fiche jugée globalement bien conçue. Ce paradoxe illustre les limites actuelles de l’information : lisible, mais pas toujours comprise.
Consultez l’enquête de l’AMF : Lettre de l’Observatoire de l’épargne : les frais des placements financiers poursuivent leur tendance à la baisse.
Ferroudja Saidoun
Village des Notaires - Experts du Patrimoine