Art numérique et NFTs : vers une nouvelle ère de reconnaissance ?
Alors que l’année a vu disparaître deux figures majeures de l’art numérique — Bill Viola et Vera Molnár — le marché des NFTs continue sa mue. Oscillant entre consolidation et relecture historique, il offre aujourd’hui un terrain fertile pour une redéfinition des canons artistiques à l’ère numérique.
Deux destins contrastés : Bill Viola et Vera Molnár
Bill Viola, maître incontesté de la vidéo, n’a pourtant pas réussi à séduire les collectionneurs en 2024. Ses deux installations proposées aux enchères n’ont pas trouvé preneur, témoignant de la difficulté persistante à faire entrer l’art vidéo dans le champ des œuvres de grande valeur sur le marché secondaire. À l’inverse, Vera Molnár, pionnière de la création algorithmique, a connu une reconnaissance fulgurante, portée par l’essor du marché des NFTs. Son premier jeton non fongible, vendu chez Sotheby’s en 2022, a pulvérisé ses précédents records en atteignant 138 600 dollars — un succès qui marque une forme de réhabilitation posthume pour cette artiste longtemps marginalisée pour avoir osé créer « avec une machine ».
Cette envolée symbolique illustre un changement de paradigme : les collectionneurs de NFTs, souvent plus ouverts aux technologies disruptives, plébiscitent désormais les pionniers de l’art génératif. Et dans le cas de Vera Molnár, c’est également une reconnaissance féminine tardive mais retentissante : elle reste la première artiste femme à avoir utilisé l’informatique pour générer des formes abstraites dès les années 1960.
Keith Haring, du mur au pixel
Autre figure inattendue de cette relecture numérique : Keith Haring. En 2024, il s’est hissé à la deuxième place du classement des ventes de NFTs avec plus de 1,5 million de dollars. La plateforme Christie’s 3.0 a mis en lumière ses dessins numériques réalisés en 1987, en collaboration avec sa fondation. Si l’engouement médiatique était fort : les estimations sont grimpés jusqu’à 500 000 dollars, les résultats ont toutefois été plus contenus. Le prix final n’était pas à la hauteur des attentes. Il a été finalement question de à 352 800 dollars. Soit l’équivalent d’un grand dessin à l’encre. Un montant qui aurait sans doute doublé à l’apogée de la bulle spéculative, en 2021.
NFT : de l’euphorie à la raison
Le marché des NFTs a radicalement changé depuis son apogée en 2021. Cette année-là, la vente du Everydays de Beeple pour 69,3 millions de dollars avait déclenché une vague de spéculation sans précédent. Quelques mois plus tard, Christie’s faisait sensation avec les 16,9 millions de dollars obtenus pour une série de CryptoPunks. L’exubérance régnait, portée par la flambée des cryptomonnaies et une frénésie d’achat alimentée par le FOMO.
Aujourd’hui, l’heure est au retour à la raison. En 2024, le volume global des ventes aux enchères régulées pour les NFTs atteint 9,3 millions de dollars seulement, un chiffre modeste mais révélateur d’un marché en quête de maturité. Beeple, autrefois star du moment, n’enregistre plus qu’une seule vente cette année, à 177 800 dollars. Même Tyler Hobbs, leader du classement avec près de 1,7 million de dollars, voit ses prix se stabiliser.
À lire aussi :
- Comment l’art contemporain redessine l’investissement culturel ? (partie 1)
- Jean-Michel Basquiat, Julie Mehretu, Salvo…Les stars du marché de l’art en 2024 (partie 2).
Pour aller consulter le rapport en intégralité :
Christian-Olivier Kajabika
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)