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[ENTRETIEN] Jean Gasté, Président du 121ème Congrès des Notaires de France : « Le notariat accompagne les projets de vie de toutes les familles »

[ENTRETIEN] Jean Gasté, Président du 121ème Congrès des Notaires de France : « Le notariat accompagne les projets de vie de toutes les familles »

Jean Gasté, notaire à Nantes, officiera en tant que maître de cérémonie lors du 121e Congrès des notaires consacré au droit de la famille. Il souligne que les notaires, experts et praticiens du droit, jouent un rôle d’observateurs attentifs des évolutions sociétales. Tout en proposant des adaptations nécessaires, le président rappelle que les principes fondamentaux du droit de la famille sont essentiels à la cohésion nationale et la vie en société.

Journal du Village des Notaires : Vous avez choisi la notion de « tribu » afin de décrire les nouvelles formes familiales. Comment caractériser ces tribus d’aujourd’hui ?

Jean Gasté : La tribu n’est pas à proprement parler un terme juridique, elle fait plutôt référence à la sociologie. Mon intention était d’ouvrir une vaste réflexion en partant de l’idée que la famille n’est plus seulement une entité biologique, mais qu’elle est également affective et élective. Dire qu’elle est élective signifie en réalité qu’un individu exprime sa volonté de faire partie d’une tribu et d’une famille.

La famille traditionnelle, telle que définie par le Code civil et anciennement appelée « famille bourgeoise », n’a cependant pas disparu du paysage social puisque selon l’INSEE elle représente encore plus 60 % de la population.

La nature des liens familiaux a profondément évolué au cours de ces dernières décennies. Presque exclusivement de nature patriarcale dans le passé, les rapports d’autorité ont bien évolué.

Nous observons aussi une hausse considérable du nombre de familles monoparentales. Ces familles monoparentales n’ont pas les mêmes problématiques que les familles traditionnelles. En général, les ressources économiques y sont plus faibles et les situations financières plus fragiles. Néanmoins, ces familles apparaissent souvent très unies et soudées autour de la mère.

Enfin, signalons l’expansion significative des familles recomposées, autrement dit la construction de nouveaux projets de vie autour d’un nouveau couple qui a souvent des enfants issus d’une union précédente. Nous y voyons un désir partagé de constituer une nouvelle famille sur des fondements renouvelés. Ces familles recomposées présentent aussi une grande diversité sociologique.

Ces nouvelles configurations familiales incitent naturellement notre profession à leur accorder une attention spécifique.

JVN : Pourquoi avoir choisi spécifiquement ce terme ? Est-ce pour pouvoir appréhender les familles avec une vision réellement holistique ?

J.G. : Dès le début de nos travaux, j’ai voulu que l’idée de tribu soit reflétée dans le titre de notre Congrès.

En optant pour cette approche, notre intention était d’adopter une vision globale, tant juridique que sociologique sur les nouvelles structures familiales. Nos travaux devaient quand même rester cadrés car le sujet est très vaste.

Ce choix a parfois surpris, voire déconcerté certains confrères, car la tribu n’est pas utilisée dans le notariat et qu’elle est assez complexe à définir. La tribu correspond plutôt bien à ma manière de percevoir et d’écouter notre société. D’ailleurs, vous noterez qu’elle s’articule parfaitement avec la notion de créativité.

JVN : Le Code civil constitue le fondement juridique de la famille française. Les nouvelles tribus l’ont-elles rendu obsolète ?

J.G. : Notre Code civil n’est pas obsolète. Cependant, je pense qu’il faut le repenser pour qu’il soit apte à répondre aux nouveaux besoins liés à l’émergence des tribus familiales. Nous devons faire preuve de souplesse tout en veillant en parallèle à ne pas remettre en question les règles et les principes du Code civil.

L’objectif est d’être libéral ou consensualiste dans l’organisation de la famille contemporaine. De nombreuses dispositions du Code civil sont directement issues des lois Carbonnier, qui reposent sur les principes fondamentaux organisant notre société : la liberté et l’égalité. À cet égard, le Code civil est d’une remarquable modernité.

JVN : Donc, vous le percevez toujours comme étant très vivant…

J.G. : Notre Code civil n’a jamais été aussi vivant. Le droit de la famille constitue la base d’organisation de la société et doit nécessairement faire preuve de stabilité dans le temps. À mon avis, ce n’est pas un droit qui doit répondre à des exigences d’immédiateté ou de mode.

Personnellement, je regrette que le législateur soit tenté en permanence de vouloir tout réglementer. À l’époque, le doyen Carbonnier, dont je suis le disciple, s’en inquiétait déjà lors de sa collaboration avec Pierre Catala sur la réforme du droit des successions.

JVN : De quelle manière le notariat peut-il faire preuve de créativité dans ce domaine ?

J.G. : Le terme de créativité a fait l’objet d’un réel débat au sein des équipes. Cela reflétait ma volonté d’exprimer qu’il était nécessaire de porter un nouveau regard sur les familles et donc de faire preuve de créativité.

Être créatif ne se limite pas à la rédaction des clauses de nos actes, cela implique aussi avoir une nouvelle approche avec nos clients.

La créativité notariale, c’est faire preuve d’une grande ouverture d’esprit et d’empathie. Nos offices sont des caisses de résonance des demandes de nos clients. Nous devons ainsi être en mesure d’accompagner toutes les familles. Nous devons aussi tenir compte des spécificités de nos territoires et de leurs traditions.

JVN : Le notaire, praticien du droit, devient-il aussi un spécialiste des sciences sociales ?

J.G. : C’est exact, le notaire est dans une démarche d’écoute active lorsqu’il prend le pouls de la société et de ses clients. Il doit aussi pour cela disposer d’une boîte à outils adaptée.

Nous pratiquons quotidiennement le droit de la famille et nous devons comprendre le mode de fonctionnement de nos clients. Par conséquent, nous devons faire preuve de pédagogie en ajustant notre raisonnement et notre discours en fonction des histoires et des parcours de vie de chacun. La raison d’être du notariat, c’est d’agir pour la paix de la société.

JVN : Le droit de la famille a-t-il toujours vocation à acter les évolutions de la société ?

J.G. : Vous abordez la question centrale de notre discussion du club du droit du 26 juin, dont le sujet était : « Le droit reflète-t-il l’évolution de la société ou influence-t-il la société ? ».

Le juriste est constamment tiraillé entre ces deux concepts itératifs. Le droit doit acter les évolutions de la société et le droit oriente aussi la société. C’est d’autant plus significatif en droit de la famille.

Notre société est bien évidemment orientée par des choix politiques. Prenons l’exemple de la gestation pour autrui. Aujourd’hui, la GPA est interdite en France. Cette position a d’ailleurs été réaffirmée par notre ancien ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti.

D’un autre côté, des personnes continuent d’y avoir recours en se rendant à l’étranger où la GPA est autorisée, puis reviennent en France avec leur enfant. Cela engendre ensuite des situations juridiques complexes voire inextricables pour la filiation de cet enfant.

Je ne porte pas de jugement sur des démarches individuelles. Cependant, il me semble évident que si le Code civil refuse le principe de la GPA, il faut en prendre acte et l’accepter. Bien entendu, il y a en permanence des oscillations et des tensions entre les règles et l’évolution de la société.

Le droit de la famille fait corps avec la société. La famille représente pour l’enfant le premier espace de sociabilisation et d’apprentissage de la vie avec autrui. Elle doit être un havre de paix où ses membres évoluent dans un cocon protecteur. Ses parents vont lui inculquer des valeurs, une certaine manière de penser et vont l’aider à construire son rapport avec les autres. Pour toutes ces raisons, le droit doit protéger les familles.

JVN : Mai 1968 a-t-il marqué un point de basculement pour le droit de la famille ?

J.G. : À l’époque, les contemporains ont souhaité faire table rase et changer la société. Aujourd’hui, plus de deux générations ont passé. Je ne suis pas persuadé que notre société soit sortie renforcée de cette époque.

Autrefois, quand les enfants allaient à l’école, les professeurs inculquaient l’importance de la Liberté, tant pour eux-mêmes que celle des autres. Aujourd’hui, lorsque l’on observe les comportements, cela peut sembler moins évident.

Les évolutions de la société ont sans aucun doute fragilisé les fondations de la famille, ce qui a contribué à rendre plus flous les rapports interpersonnels et la volonté de faire attention aux autres.

JVN : On sent dans vos propos que les femmes et hommes politiques ont une part de responsabilité dans cette situation…

J.G. : Je ne permettrais pas de porter un jugement politique mais je constate que notre pays est paradoxal. Ainsi, lorsqu’il veut ou doit se réformer, cela se déroule souvent dans la douleur. Notre histoire est jalonnée d’épisodes « révolutionnaires ».

Je suis pacifiste et respectueux des institutions qui sont le résultat de notre histoire. Je ne m’inscris pas dans la logique révolutionnaire car nous pouvons réformer notre société par le dialogue et en respectant toutes les opinions.

JVN : Le Congrès est l’évènement annuel de la profession. Quelles sont les nouveautés de ce 121ème millésime ?

J.G. : J’ai souhaité redonner ses lettres de noblesse au « Lab » que nous avions créé il y a quelques années. Au sein de cet espace d’échange, nous rassemblerons les exposants et les associations, en animant des sessions sur des thèmes spécifiques pendant un quart d’heure ou une demi-heure maximum. Je considère que cet espace de dialogue et de discussion est essentiel et constitue un élément du Congrès. Effectivement, cet espace spécifique nous offre l’opportunité d’enrichir mutuellement nos connaissances et de partager nos vécus et nos interrogations.

Pendant les sessions plénières et lors des discussions autour des propositions, l’équipe veillera toujours à donner suffisamment de temps aux participants pour qu’ils puissent s’exprimer. Les confrères appliquent quotidiennement le droit de la famille dans leurs offices. Ils ont également une famille et dans ce cadre, le temps de parole donné contribuera à enrichir les débats.

L’utilisation du module d’intelligence artificielle « Not’ IA » pour la navigation des mille pages du rapport est définitivement actée et j’imagine que nous tendrons à déployer l’IA de plus en plus dans les prochains congrès.

Sur ce point tant symbolique que pratique, l’impulsion avait été lancée par l’association du Congrès il y a quelques années. Depuis, tous les présidents du Congrès ont suivi cette orientation.

En écho au Congrès de Bordeaux, il est à noter que nous avons encore utilisé le terme « accompagner » dans le titre du Congrès. C’est une décision que Marie-Hélène Péro Augereau-Hue et moi avons prise ensemble.

Nous avions été désignés présidents à peu près simultanément et en échangeant ensemble, nous étions arrivés à la conclusion que derrière le terme « accompagner », se cachait l’idée de pérennité de l’action du notariat dans le temps. L’année passée, nous œuvrions pour la planète et cette année, nous travaillons en faveur de la société.

Sur le plan logistique, nous avons également décidé cette année d’ouvrir les inscriptions un peu plus tôt afin d’encourager une plus grande participation des confrères. Pour ma part, durant ces dernières semaines, j’ai presque effectué le « Tour de France » en prenant part à un grand nombre d’assemblées de chambres. Même si je n’ai pas le chiffre exact en tête, je pense avoir rencontré environ cinq mille notaires au total.

En tout cas, j’espère qu’il y aura une forte affluence à Montpellier afin que notre « Agora » soit la plus productive possible.

JVN : Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux décideurs politiques ?

J.G. : Je me réjouis que la Presse soit toujours présente lors des congrès et se fasse l’écho de nos discussions.

Nous envoyons ensuite nos conclusions aux pouvoirs publics. Pour éviter que le rapport ne tombe dans l’oubli, nous comptons aussi sur le bouche-à-oreille afin que nos décideurs prennent le temps de nous écouter et trouvent un réel intérêt à échanger avec nous.

Cet échange d’idées permet d’avancer dans le sens de l’intérêt général. Je n’attends pas que notre Congrès débouche sur une inflation législative mais que le législateur écoute les besoins d’évolution de notre société.

Je veux sensibiliser les décideurs au fait que le notariat sert véritablement les intérêts de la société française. Nous avons la capacité de rédiger le droit futur au bénéfice de nos compatriotes.

Vous pouvez également retrouver cet entretien en page 8 du Journal du Village des Notaires 109 spécial Congrès.

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