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Perte de chance et engagement de la responsabilité civile d'un CGP pour mauvais placement en assurance-vie

Perte de chance et engagement de la responsabilité civile d’un CGP pour mauvais placement en assurance-vie

L’assurance-vie est le placement préféré des Français. De nombreux acteurs, dont les conseillers en gestion de patrimoine (CGP), commercialisent ce produit d’épargne à destination des ménages. En cas de mauvaise performance, l’épargnant peut engager la responsabilité du conseiller. La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur le sujet. Cassant deux arrêts de la cour d’appel de Grenoble, elle prend position en faveur des épargnants lésés à la suite d’une perte de chance. Envisageons la portée de cette décision.

Rejet de la demande d’indemnisation par la cour d’appel de Grenoble

Les deux affaires jugées par la Cour concernaient le même CGP. Ses clients avaient souscrit des contrats d’assurance-vie en investissant initialement dans certaines unités de compte, puis en arbitrant ces dernières au profit d’autres supports quatre ans plus tard sur les conseils du CGP. Au vu des pertes constatées lors des rachats, les épargnants lésés ont assigné leur conseiller en responsabilité pour avoir manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde et à son devoir d’assurer l’adéquation des supports conseillés avec le profil de risque déclaré des investisseurs.

Dans les deux affaires, les clients ont été déboutés par la cour d’appel de Grenoble (CA Grenoble, 8 juin 2021, n° 19/02177 et CA Grenoble, 23 mars 2021, n° 19/00852). La cour avait jugé que les demandes des clients étaient prescrites. Elle avait considéré que les plaignants étaient informés dès la conclusion des contrats d’assurance-vie que les supports conseillés par le CGP comportaient des risques de perte en capital.

La position favorable aux épargnants lésés

Les épargnants portent l’affaire en cassation. Par deux arrêts rendus en juin 2023 [1] la chambre commerciale de la Cour retient la perte de chance [2].

La Cour de cassation rappelle que le défaut d’information sur le risque de pertes liées aux investissements en unités de compte ou le manque de conseil au regard d’un tel risque, prive le souscripteur d’une chance d’éviter la réalisation de ces pertes.
Or, les pertes ont été constatées au moment du rachat du contrat d’assurance vie (quand bien même le support en question aurait fait antérieurement l’objet d’un désinvestissement, comme c’était le cas dans les deux dossiers).
Le préjudice résultant d’un tel manquement doit être évalué au regard, non de la variation de la valeur de rachat de l’ensemble du contrat, mais de la moins-value constatée sur ce seul support, modulée en considération du rendement que, dûment informé ou conseillé, le souscripteur aurait pu obtenir du placement des sommes initialement investies sur ce support jusqu’à la date du rachat du contrat.

Selon la Cour de cassation, le délai de prescription de cinq ans commence à courir, non à la date à laquelle l’investissement a lieu, mais à la date du rachat du contrat d’assurance-vie. La cour retient ainsi la combinaison des articles 2224 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce qui disposent que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.

Performance aléatoire de l’assurance-vie en unités de compte

Les unités de compte, à l’inverse des fonds euros, n’ont pas de garantie en capital. Leur valeur fluctue au cours du temps en fonction du sous-jacent à la hausse comme à la baisse. La plus-value (ou moins-value) sera constatée uniquement à la date de rachat.

Particulièrement dynamique depuis plusieurs années, la collecte en unités de compte sur les contrats d’assurance-vie s’établit en 2022 à 57,9 milliards d’€. Ce montant a été multiplié par plus de deux depuis 2016 selon France Assureurs.

La part des unités de comptes dans l’ensemble de la collecte s’établit à 39,8% en 2022. Les rachats d’unités de compte se sont élevés à 23,6 milliards d’€ (−0,6 %). La collecte nette en UC s’établit ainsi à +34,3 milliards d’€ en 2022.

En parallèle, les transferts des fonds euros vers les unités de compte ont été positifs sur l’année 2022, pour un montant de +7,4 milliards d’€. Ils correspondent à des arbitrages nets favorables aux unités de compte (+3,8 milliards d’€), augmentés par les transferts liés à la loi Pacte (+3,6 milliards d’€).

La performance globale des unités de compte est de -11,2% en 2022 contre une progression de 9,8% en 2021. La performance est très volatile et dépend de la santé des marchés financiers, mais aussi de la qualité de la gestion des unités de compte.

Hausse des risques de recours avec le développement des unités de compte

Les unités de compte sont plus rémunératrices pour les conseillers que les fonds euros. Les CGP sont naturellement enclins à proposer ces unités de compte à la fois pour améliorer la performance à long terme de l’épargne de leurs clients et aussi pour pérenniser leur modèle d’affaire. Le développement de la collecte en unités de compte répond aussi à la demande des épargnants qui ont vu la performance des fonds en euros décliner fortement ces dernières années.

En contrepartie d’une performance attrayante sur le long terme, les marchés financiers sont soumis à une forte volatilité. L’évolution fluctuante des marchés n’est pas toujours bien comprise par les épargnants français qui ont culturellement une très faible tolérance au risque financier.

Les risques de judiciarisation du marché de l’assurance-vie augmentent ainsi avec le développement de la part des unités de compte.


Notes :

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