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Monument historique : la responsabilité administrative à l'épreuve de la fiente et de la poussière

Monument historique : la responsabilité administrative à l’épreuve de la fiente et de la poussière

Dans le cadre d’un incendie survenant sur un monument historique d’une collectivité, la seule présence de fiente peut-elle constituer un terreau engageant la responsabilité de l’administration ? La seule présence de poussière peut-elle suffire à engager la responsabilité de l’administration ? Les réponses en partant du commentaire de l’arrêt du Conseil d’État du 25 novembre 2021 (n°442977) au regard de la jurisprudence rendue en la matière.

L’arrêt CE, 25 nov. 2021, n°442977

Les faits de l’espèce

Dans le cadre d’un marché public de service, la ville de Reims propose un lot « de travaux d’entretien et travaux de démolition sur le patrimoine autre que scolaire et sportif », marché qui est remporté par un groupement d’entreprise solidaire, des entrepreneurs, le 14 décembre 2009.
Ces entreprises interviennent donc sur le patrimoine de la ville en exécution de ce marché, et notamment le 18 avril 2012 « pour effectuer des travaux de zinguerie sur le toit de la basilique Sainte-Clotilde, nécessitant l’usage d’un chalumeau ».

Un incendie se déclare dans la basilique dès le début des travaux « au niveau de la toiture où intervenait l’entreprise Astier Victor, avant de se propager aux dômes nord de la basilique ».

La procédure

L’assureur de la ville de Reims, la SMACL, indemnise cette dernière de son sinistre et met en place une action en subrogation des droits de son assuré en effectuant un recours contre les sociétés responsables de ce sinistre.

Le 4 décembre 2018, les juges du tribunal administratif de Châlons en Champagne condamnent solidairement les sociétés qui sont intervenues sur la basilique à réparation de la SMACL suite à son indemnisation de la ville de Reims.
Ils rejettent les demandes d’appels en garantie formulées par les sociétés qui sont intervenues sur la basilique envers leurs assureurs en se fondant sur une incompétence de juridiction.

Les sociétés condamnées en première instance interjettent appel devant la cour administrative d’appel de Nancy, qui condamne à nouveau les trois sociétés à réparation du préjudice subi par la ville de Reims, le 16 juin 2020.

Un pourvoi est formé en cassation devant les juges du Conseil d’État afin de casser l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy.

Le débat juridique

Les sociétés condamnées en première instance et en appel tentent de se dégager de leur responsabilité pour faute dans le cadre de la réalisation de travaux avant réception des travaux (« une heure après le début des travaux, un incendie s’est déclaré au niveau de la toiture ») en invoquant une faute de la ville de Reims dans son obligation d’entretien normal de la basilique.

Le juge administratif écarte cette hypothèse en mentionnant que « ...la présence de branchages, fientes d’oiseaux et poussières sur la surface des dômes de la cathédrale, qui ont pu constituer un terrain propice au développement du feu, était habituelle sur un monument de ce type, visible et prévisible pour les professionnels chargés de travaux… ». Ainsi, le juge administratif estime que la ville de Reims n’a pas commis d’erreur dans son entretien normal de l’ouvrage public, exonérant l’entrepreneur des travaux sur la basilique cause de l’incendie.

Cette décision est-elle casuistique ? Autrement dit, la seule présence de fiente peut-elle constituer un terreau engageant la responsabilité de l’administration ? La seule présence de poussière peut-elle suffire à engager la responsabilité de l’administration ? Nous allons répondre à ces questions dans les développements ci-dessous.

Présence de fiente sur un ouvrage public : pas de faute de la personne publique

La position des juges du Conseil d’État concernant la ville de Reims est une décision qui peut interroger à l’heure de la préservation du patrimoine historique. Pourtant, cette décision est constante de la part des juges du fond en matière de « fiente d’oiseau » et d’ouvrage public, à la fois historique et non historique. Nous allons le voir avec l’étude des arrêts suivants qui vont compléter celui de 2021(CE, 25 nov. 2021, n°442977).

CAA Marseille, 30 oct. 2014, n°13MA01373

Dans un premier arrêt de la cour administrative de Marseille de 2014 (CAA Marseille, 2e ch. - formation à 3, 30 oct. 2014, n°13MA01373), un administré demande au juge administratif de condamner une communauté d’agglomération propriétaire d’une décharge publique pour la présence de fiente de mouettes en grand nombre sur son exploitation agricole.
Les juges du tribunal de Marseille le 18 février 2013 n’avaient pas donné droit à sa demande en constatant l’antériorité de l’ouvrage sur l’exploitation, « l’intéressé avait une connaissance exacte de la configuration des lieux et de l’implantation de l’ouvrage public ».
La cour administrative d’appel va confirmer la position de ces premiers juges en rejetant la demande d’indemnisation de l’agriculteur, mais elle va annuler le jugement du tribunal administratif en rappelant que l’antériorité du risque accepté est constitué de deux critères, « la connaissance du risque, et la connaissance de l’impact raisonnablement prévisible » sur lui.

Le juge administratif de la cour d’appel de Marseille va déterminer si la présence de la décharge publique peut engager la responsabilité éventuelle de l’administration dans le dommage de l’agriculteur.

Pour ce faire, le juge administratif rappelle que la responsabilité de l’administration peut s’engager de deux manières différentes, avec une responsabilité pour faute ou avec une responsabilité sans faute de la part de l’administration. L’exploitant agricole de notre espèce va invoquer les deux types de responsabilité. Le juge administratif va les étudier séparément.

Concernant la responsabilité sans faute, son but est d’indemniser une personne qui s’estime victime d’une action de l’administration, sans qu’il n’y ai de faute imputable à cette administration. Pour mettre en jeu la responsabilité sans faute de l’administration pour risque du fait d’une activité dangereuse ou d’une situation dangereuse (CE, 1895, Cames ; CE, 1919, Regnault-Deroziers), la victime doit démontrer un préjudice à caractère anormal (préjudice grave) et spécial (préjudice qui concerne un faible nombre d’administré) ainsi qu’un lien de causalité entre ce préjudice et le rôle de la personne publique dans son préjudice.

Dans notre espèce, les juges constatent un lien de causalité « les bâches recouvrant les serres installées par M. B...au cours de l’année 2008 sont marquées voire trouées en de nombreux endroits et que des fientes d’oiseaux sont présentes au niveau du faîtage de ces dernières (…) attirées par la décharge voisine dans laquelle elles viennent se nourrir ».
Néanmoins, ils ne constatent pas de préjudice anormal et spécial, du fait de la postériorité de l’activité agricole vis à vis de la décharge publique et de l’absence de preuve d’une « prolifération soudaine des mouettes au cours de l’année en question ou à un éventuel changement de comportement desdits volatiles les ayant conduits à se rassembler sur ses serres ». La responsabilité sans faute de l’administration ne saurait donc être engagée.

Concernant la responsabilité pour faute, la personne qui s’estime victime doit démontrer un préjudice, une faute, et un lien de causalité entre la faute de l’administration et le préjudice de l’administré. Le préjudice allégué doit être certain (déterminable), direct (l’administration a joué un rôle) et évaluable. La faute se définissant par la violation manifeste d’une règle de droit (Planiol). La loi invoquée par l’exploitant agricole n’ayant pas de lien avec son dommage éventuel, le juge ne retient pas la faute de l’administration.

Dans cet arrêt qui met en lumière les règles de la responsabilité sans faute et de la responsabilité pour faute, nous pouvons constater que les fientes des volatiles ne constituent pas un facteur permettant d’engager la responsabilité de l’administration, soit parce qu’aucune règle de droit en lien avec le dommage de la victime, soit parce que la présence seule de fiente n’est pas de nature a constituer un préjudice anormal et spécial permettant d’engager la responsabilité de l’administration.
Nous devons tout de même noter que dans cette espèce, la victime des dommages est un riverain de l’ouvrage public. Dans l’arrêt qui nous importe, celui de la ville de Reims, la personne qui invoque une faute de l’administration est son cocontractant.

CAA Bordeaux, 26 déc. 1994, n°94BX00386

Dans un autre arrêt de 1994 (CAA Bordeaux, 2e chambre, 26 déc. 1994, n° 94BX00386), une administrée de la collectivité de Perpignan saisit le juge administratif de la cour administrative d’appel suite à un accident de cyclomoteur survenu le 27 novembre 1989 en raison de la présence « d’une surcouche de fiente d’oiseau » sur l’ouvrage public (la voie publique). En premier instance, le juge du tribunal administratif de Montpellier le 14 décembre 1993 n’a pas donné suite à sa demande d’indemnisation.

Devant le juge de la cour administrative d’appel de Bordeaux, l’usager invoque une faute d’entretien normal de l’ouvrage public de la commune de Perpignan. Dans le cas d’une responsabilité pour faute invoquée par l’usager, c’est à l’administration de démontrer qu’elle n’a pas commise d’erreur de droit, et non à la victime de prouver cette faute. C’est un renversement de la charge de la preuve qui s’opère puisque la victime qui est l’usager serait dans la quasi impossibilité de le faire.

La collectivité en cause dans notre espèce va s’exécuter en exposant « qu’elle avait pris des dispositions afin de prévenir les inconvénients liés aux passages de très nombreux étourneaux en cette période de l’année, phénomène connu de ses habitants, en procédant au nettoiement bi-quotidien des voies communales ; que, compte tenu de l’heure à laquelle s’est produit l’accident, l’état de la chaussée ne pouvait pas passer inaperçu d’un usager prêtant une attention normale à la voie qu’il empruntait ».
Ainsi, la collectivité n’a pas commis de faute d’entretien normal de l’ouvrage puisqu’elle a pris les dispositions nécessaires pour éviter les dommages éventuels aux usagers.

Le juge va retenir la faute de la victime dans la réalisation de son dommage, par le caractère prévisible des fientes d’oiseaux sur l’ouvrage public « l’état de la chaussée ne pouvait pas passer inaperçu d’un usager prêtant une attention normale à la voie » et le caractère visible des fientes « ne pouvait pas passer inaperçu d’un usager prêtant une attention normale à la voie qu’il empruntait ».

Dans ce cas précis, la victime a tenté de démontrer la responsabilité pour faute de l’administration pour le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public pour fiente d’oiseau. L’administration ayant pris les mesures nécessaires, cette faute n’est pas reconnue, puisque ces fientes étaient prévisibles. Justification que nous retrouvons dans notre arrêt concernant la ville de Reims.

En somme, la présence de fiente sur un ouvrage public ne permet pas à elle seule de déterminer la responsabilité de l’administration. L’autorité administrative (le ministre de l’Écologie et du Développement durable) a pris ce sujet au sérieux, puisqu’elle a édicté une circulaire sur la présence d’élevages (circulaire du 19/10/2006 concernant l’analyse des études d’impact pour les installations classées d’élevage) dans laquelle elle précise les points importants que les études d’impacts avant l’implantation d’élevage doivent prendre en considération dont la présence d’un édifice historique, et sur quels critères prendre en considération le site par rapports à l’élevage (distance de 3 km entre le site et l’élevage, éventuelle visibilité de l’élevage du site historique, effets sonores et de santé public).

CAA de Nantes, 17 mars 2023, n°21NT01083

Le juge administratif (CAA de Nantes, 2e ch., 17 mars 2023, n°1NT01083) a d’ailleurs était saisi d’un litige sur l’implantation d’une exploitation d’une entreprise agricole qui « en consiste en la construction d’un poulailler industriel, pouvant accueillir simultanément jusqu’à vingt-cinq-mille volailles, d’une longueur de quatre-vingt-dix mètres, d’une largeur de quinze mètres et d’une hauteur au faîtage de six mètres trente, représentant une surface de plancher de mille-trois-cent-cinquante mètres carrés » a proximité directe d’un château.

Dans cet arrêt, le propriétaire du château de Chantore conteste devant le juge administratif en excès de pouvoir l’arrêté municipal pris par le maire d’une commune le 14 février 2020 visant à autoriser l’implantation d’une exploitation de volailles a proximité immédiate de son domaine, inscrit au titre des monuments historiques postérieurement à la mise en place du projet industriel. Pour rappel, un recours en excès de pouvoir est un recours effectué devant le juge administratif par une personne qui s’estime lésée par un acte administratif. Ce dernier invoquant que l’acte administratif, exemple l’arrêté municipal, viol une règle de droit (CE, 1950, Dame Lamotte). Selon le propriétaire du château, le permis de construire est incomplet sur l’environnement du projet et notamment sur l’aspect exceptionnel de son bien historique.

Dans notre espèce, en premier instance, le juge administratif du tribunal de Caen, le 19 février 2021, rejette la demande du propriétaire du monument historique. Le propriétaire va interjeter appel en se fondant sur le recours en excès de pouvoir.

Avant d’examiner la demande sur le fond, le juge administratif vérifie que la victime peut utiliser le recours en excès de pouvoir. Pour cela, il va vérifier, l’intérêt à agir du propriétaire du château, sa capacité juridique, et le respect du délai pour agir.
Le juge va constater la proximité du château avec le projet industriel, « le Château de Chantore est distant de presque cinq-cents mètres de l’emprise du projet, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le domaine de Chantore est immédiatement voisin, au niveau de l’accès au parc, sur une longueur d’environ cinquante mètres, du terrain d’assiette du projet et que, pour le reste de son emprise la plus proche, au sud, il n’en est séparé que par un terrain non construit, et sur une faible distance » ainsi que les nuisances générées par l’entreprise agricole « produit nécessairement, pour le voisinage immédiat, quel que soit d’ailleurs le mode d’élevage retenu, des nuisances sonores, olfactives et génère de la poussière » constituant des préjudices pour le domaine historique.
Ces trois éléments (voisinage immédiat, domaine historique, et préjudices existants) permettent de qualifier l’intérêt à agir des propriétaires du domaine historique en recours contre excès de pouvoir du permis d’implantation du projet industriel.

Dans un second temps, le juge va examiner le recours en excès de pouvoir. Le plan local d’urbanisme de la ville rend inconstructible toute parcelle « ne disposant pas d’accès sur la voie publique ».
De plus, le plan local d’urbanisme précise que « l’aspect des (nouvelles) constructions devra aller dans le sens d’une bonne intégration dans le paysage, et le cas échéant, être en harmonie avec le patrimoine bâti existant » qu’il soit protégé ou non par la législation des Monuments Historiques. Or, le projet industriel est « consiste en la construction d’un poulailler industriel, pouvant accueillir simultanément jusqu’à vingt-cinq-mille volailles, d’une longueur de quatre-vingt-dix mètres, d’une largeur de quinze mètres et d’une hauteur au faîtage de six mètres trente, représentant une surface de plancher de mille-trois-cent-cinquante mètres carrés » alors que le domaine historique « abrite un château édifié au 18e siècle, en très bon état de conservation, se caractérisant par une architecture de style "néo Louis XIII", peu présente dans le département de la Manche, mais aussi les bâtiments des anciennes écuries ainsi qu’un parc paysager ouvert au public.
La commune de Bacilly ne conteste pas que ce domaine, d’une contenance de dix-neuf hectares, présente, d’un point de vue historique, patrimonial et paysager, un caractère remarquable à l’échelle régionale. L’ensemble des parties composant le domaine de Chantore a d’ailleurs fait l’objet, postérieurement à l’arrêté contesté, d’une inscription au titre des monuments historiques et son parc paysager s’est vu attribuer le label "Jardin remarquable"
 ».
Le projet industriel n’étant pas en harmonie avec la présence de l’élevage, le juge administratif va écarter l’arrêté municipal pour excès de pouvoir.

La poussière, un élément de déresponsabilisation de la personne publique

Dans son arrêt de 2021 (CE, 25 nov. 2021, n°442977) concernant la ville de Reims et l’incendie de la basilique Sainte-Clotilde, le juge du Conseil d’État aborde la présence des fientes d’oiseaux sur l’édifice historique, mais aussi la présence de poussière. Tout comme les fientes d’oiseaux, la poussière n’est pas un élément constitutif permettant d’engager la responsabilité de l’administration. Cette position est continue de la part des juges administratifs, et nous allons l’étudier. En 2016 (CAA, 23 juin 2016, n° 14DA01340), la cour administrative d’appel a statué sur une espèce similaire à celle de 2021.

La ville de Tourcoing a organisé un marché public le 18 novembre 2005 dans lequel elle a désigné une société de travaux pour réaliser « des travaux de réfection de la couverture de l’église Notre Dame des Anges ». La commune, propriétaire de l’ouvrage en était également le maître d’œuvre.

Le 29 mai 2006, deux incendies successifs vont se produire sur cet édifice. Le premier « vers dix-sept heures trente, (…) au niveau de la toiture », et le second « a été signalé au service dès le lendemain, vers trois heures du matin, à l’occasion duquel une bouteille de propane destinée à alimenter un chalumeau et laissée sur la toiture de l’église a fait explosion ».

Notons dès a présent que ces deux sinistres sont indépendants l’un de l’autre, le premier résultant d’un accident et le second procédant « d’un acte de malveillance...(puisque) le robinet équipant la bouteille de propane qui a explosé a été retrouvé partiellement ouvert...(et)…. le degré de combustion des bois des charpentes en partie basse du versant de la toiture est apparu trop important pour que ce second sinistre puisse être regardé comme l’œuvre d’un simple feu couvant » via une bouteille de gaz, autrement dit « les deux incendies n’ont pas présenté de continuité géomorphologique ».

La commune de Tourcoing a demandé au juge administratif de condamner l’entrepreneur des travaux afin de percevoir une indemnisation. Le 3 juin 2014, le tribunal administratif de Lille a condamné la société de travaux « à raison des conséquences dommageables de ces sinistres » a remboursé la société d’assurance de la ville de Tourcoing qui a indemnisé son assuré suite aux sinistres survenus, à indemniser la ville de Tourcoing de la part de sinistre non-couverte par l’assureur de la ville, et de prendre en charge les frais d’expertise.

Parmi les dommages de la ville, « le premier sinistre (a) affecté la toiture de l’église Notre Dame des Anges, le 29 mai 2006 » et que « le second sinistre a occasionné d’importants dégâts, plusieurs vitraux classés à l’inventaire des monuments historiques ».

Dans cet espèce, les poussières n’ont pas joué un rôle direct dans la réalisation du premier incendie, mais elles ont constitué un milieu favorisant sa réalisation puisque dès l’utilisation du chalumeau à gaz sur un revêtement tapissé par l’entrepreneur, les poussières se sont enflammées et ont provoqué l’incendie.

La société de travaux a commis une faute, puisqu’elle n’a d’ailleurs pas mis en œuvre l’ensemble des procédés permettant d’éviter « une inflammation des poussières » lors de la réalisation des travaux « que l’utilisation, pour ce faire, d’un chalumeau à gaz, sans prendre toutes les précautions propres à éviter un échauffement excessif des matériaux bitumeux existants et une inflammation des poussières, a permis à un feu couvant de prendre naissance, le volume d’air important présent sous la toiture et le voligeage en bois ayant favorisé son développement ».

Pour le second incendie provoqué par une bouteille de gaz, provenant d’une malveillance, « l’accès à la partie de toiture concernée par le chantier était possible par un échafaudage posé au niveau de la façade de l’église, située rue Nationale, et qui n’était pas clos par un dispositif empêchant de l’emprunte… que cet acte de malveillance a été rendu possible, comme il vient d’être dit, en raison d’un manquement de la société GTB à l’obligation de clôture de son chantier, qui lui incombait ». Comme dans l’arrêt de la ville de Reims, la responsabilité de la société dans la réalisation des sinistres est reconnue par les juges administratifs.

Pour les deux incendies survenus sur l’église de Tourcoing, le juge va retenir à chaque reprise la faute de l’entrepreneur. Ce dernier va tenter de s’exonérer de sa responsabilité en invoquant une faute de la ville. Elle ne l’aurait pas prévenu du premier incendie « de sorte que cette société n’a pas eu la possibilité d’ôter la bouteille de propane de la toiture ».
Or, le juge rappelle que les deux incendies sont successifs mais distincts dans leur cause. L’entrepreneur va également invoquer une autre thèse pour s’exonérer de sa responsabilité, la collectivité en tant que maître d’œuvre aurait failli à sa mission. Or, selon le marché public, la responsabilité de la clôture du chantier appartenait à l’entrepreneur.

À la lumière de l’arrêt de la ville de Reims que nous commentons et à celui de Douai, nous pouvons constater que la présence de la poussière sur un édifice historique protégé au titre des Monuments Historiques n’est pas de nature a engager la responsabilité de la personne publique. Au contraire, elle représente un facteur aggravant pour la responsabilité de l’entrepreneur qui n’aurait pas pris en compte cette poussière dans la réalisation de ces travaux.

Les situations que nous avons étudiées portent sur une présence de poussière avant l’exécution des travaux participant à la réalisation du sinistre pendant les travaux. Une autre situation existe, c’est celle où les travaux produisent de la poussière.
Bornons nous à dire que tout entrepreneur qui souhaite réaliser des travaux doit prendre en compte dans sa constitution de projet, la présence d’un bâtiment protégé au titre des Monuments Historiques, avec une étude d’impact (obligation posée à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement) dans lequel il précise les techniques qui doivent êtres mises en place pour limiter la création de poussière sur les biens historiques (CAA de Paris, 1re chambre, 1er oct. 2020, n°19PA03846) comme des « techniques particulières de déconstruction et d’arrosage pour limiter les émissions de poussières » en application de l’article « R. 451-4 de ce code : "Lorsque l’immeuble est situé dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le dossier joint à la demande comprend en outre la description des moyens mis en œuvre dans la démolition pour éviter toute atteinte au patrimoine protégé." ».

D’ailleurs l’administration a souhaité préciser le Code du patrimoine quant aux travaux a réaliser sur les orgues. Par une circulaire du 24 avril 2012 (circulaire MCCC1222479C du 24 avril 2012), l’autorité administrative compétente (Le ministre de la culture et de la communication) rappelle que les travaux sont générateurs de poussières. Lorsque ces travaux portent sur des orgues protégés au titre des monuments historiques, le représentant de l’État propriétaire des orgues doit être sollicité avant la réalisation des travaux, et l’accord de l’État pour la réalisation de ces travaux pourra être subordonné à la réalisation d’un cahier des charges mentionnant l’étanchéité de la protection des orgues d’État pendant les travaux.
Pour les orgues qui n’appartiennent pas à l’État, mais qui sont protégés au titre des monuments historiques, le « contrôle scientifique et technique, la DRAC peut être amenée à subordonner l’autorisation de travaux ou l’accord au respect de prescriptions et de conditions relatives à la préservation du patrimoine mobilier et instrumental pendant le chantier. Le technicien-conseil territorialement compétent doit recevoir une mission à cet effet ».

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