L’impact du télétravail sur l’exercice notarial : renouvellement de l’accord sur le télétravail et le droit à la déconnexion
La crise du Covid a poussé les notaires à adapter leur organisation à cette situation exceptionnelle. Pour accompagner cette transformation, la convention collective nationale du notariat avait été révisée par un accord du 16 décembre 2021 [1]. Le télétravail, bien qu’avantageux, présente des inconvénients, notamment des tendances au contact excessif des employeurs avec leurs salariés en dehors des horaires de travail. C’est pourquoi le droit à la déconnexion avait été spécifiquement intégré dans la révision de la convention collective.
Contexte
Début novembre 2024, la DARES a publié un rapport sur l’impact du télétravail sur les conditions de travail et de vie des salariés. L’institution y souligne que, bien que le télétravail ait apporté des bénéfices indéniables, tels qu’une meilleure gestion de l’équilibre travail-vie personnelle et la réduction du stress lié aux trajets, il a aussi révélé plusieurs défis. Le sentiment d’isolement social, la surcharge de travail et la difficulté à séparer vie professionnelle et personnelle sont devenus des préoccupations majeures. De plus, ce nouveau mode d’exercice professionnelle avait tendance à accentuer les inégalités entre les secteurs, notamment entre métiers manuels et métiers intellectuels. Le rapport appelle à une régulation plus stricte et à des politiques adaptées pour protéger les droits des salariés, notamment le droit à la déconnexion.
Les effets du télétravail sur la qualité de vie et la santé
Autonomie et bien-être psychologique
Les télétravailleurs estiment être plus autonomes dans la gestion de leur temps (33 % trouvent cela plus facile), mais la surveillance et la prise d’initiatives restent similaires à celles en présentiel. Le télétravail améliore l’organisation des tâches, réduit les interruptions et la pression, mais rend l’atteinte des objectifs plus difficile, notamment à cause de ressources insuffisantes. Il entraîne aussi un isolement social accru, avec moins de soutien des collègues et supérieurs, ainsi que des échanges collectifs plus complexes.
Source : Dares, enquête Tracov 2.
Comparaison de la pratique du télétravail entre secteur public et privé
Le télétravail est perçu différemment selon des critères personnels (âge, sexe, situation familiale) et professionnels (secteur, contrat, ancienneté). Les femmes ressentent moins de contraintes organisationnelles que les hommes, probablement en raison d’un risque accru de psychosocial. Les jeunes ont plus de difficultés à collaborer à distance, tandis que les plus âgés semblent manquer d’autonomie. Les contrats temporaires réduisent l’autonomie et les interactions collectives. Enfin, dans le secteur public, les différences entre travail à distance et sur site sont plus marquées, avec moins d’intensité, moins d’autonomie et un soutien social plus faible, suggérant une organisation du télétravail moins structurée.
Le télétravail : un choix privilégié par les salariés éligibles
Le télétravail modifie l’organisation du travail, avec des effets à la fois positifs et négatifs. Il est généralement perçu comme attractif. 61 % des salariés estiment que leurs tâches ne sont pas compatibles avec le télétravail, tandis que 39 % occupent un poste "télétravaillable". Parmi eux, 64 % télétravaillent régulièrement, et 36 % travaillent exclusivement sur site.
Parmi les télétravailleurs, 44 % souhaitent maintenir leur fréquence actuelle, 45 % souhaitent l’augmenter, et 11 % veulent télétravailler moins ou arrêter. Plus le télétravail est fréquent, plus la satisfaction associée est élevée. Enfin, 69 % des non-télétravailleurs expriment le désir de télétravailler, ce qui montre que la pratique du télétravail correspond souvent aux attentes des salariés.
Les télétravailleurs bénéficient en moyenne de meilleures conditions de travail que les non-télétravailleurs, notamment en termes de contraintes physiques, horaires et psychosociales. Le score des conditions de travail est systématiquement plus faible pour les télétravailleurs, indiquant moins d’exposition ou de risques. Ces différences restent significatives même après ajustement pour des facteurs personnels (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle, etc.).
Les salariés qui souhaitent augmenter leur fréquence de télétravail ou commencer à télétravailler présentent des conditions de travail moins favorables que ceux qui préfèrent en faire moins ou pas du tout. Cela suggère qu’ils cherchent à améliorer leurs conditions en optant pour le télétravail. Parmi les télétravailleurs, les conditions varient peu selon la fréquence, sauf en ce qui concerne les exigences émotionnelles (voir le graphique ci-dessus sur les conditions de travail des salariés en poste télétravaillable selon leur pratique du télétravail en 2023).
L’équilibre vie pro/vie perso en télétravail : des solutions pour les couples, particulièrement pour les hommes
Parmi les salariés en télétravail vivant en couple, ceux qui télétravaillent reçoivent moins de remarques de leurs proches sur leurs horaires (19 % contre 24 % pour les non-télétravailleurs).
En moyenne, les télétravailleurs signalent moins de reproches lorsqu’ils travaillent à domicile plutôt que sur site (écart de -15 points, voir le graphique 1). Le télétravail semble réduire les conflits intrafamiliaux, suggérant que l’autonomie accrue facilite une meilleure disponibilité pour la famille, en particulier chez les hommes (19 % de plaintes contre 28 % chez les non-télétravailleurs). La différence est moins marquée chez les femmes (19 % contre 21 %).
Les proches des télétravailleurs se plaignent moins que ceux des non-télétravailleurs, probablement grâce à la réduction des trajets domicile-travail, qui se traduit par un gain de temps et une réduction de la fatigue. En moyenne, les télétravailleurs ont des trajets plus longs (plus de 30 minutes) que les non-télétravailleurs. Le temps gagné est réalloué différemment selon le genre : les hommes l’utilisent surtout pour les loisirs et les enfants, tandis que les femmes l’affectent davantage aux tâches domestiques. Le télétravail est également privilégié pour faciliter la conciliation entre vie professionnelle et personnelle, en particulier par ceux qui éprouvent des difficultés à jongler entre les deux.
Télétravail et partage des tâches domestiques : un léger rééquilibrage entre femmes et hommes avec des enfants en bas âge
Bien que le télétravail facilite l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, les écarts de temps consacré aux tâches domestiques entre femmes et hommes restent significatifs.
Le rapport mentionne que 60 % des femmes en couple consacrent plus de sept heures par semaine aux tâches domestiques, qu’elles télétravaillent ou non, contre 47 % des hommes lorsqu’ils télétravaillent et 44 % lorsqu’ils ne télétravaillent pas. Le télétravail ne semble pas avoir d’impact significatif sur ce point. Cependant, en présence d’enfants de moins de 3 ans, l’écart se réduit légèrement : les hommes augmentent de 12 points leur implication dans les tâches domestiques en télétravaillant, tandis que les femmes n’augmentent que de 2 points. Cela suggère que le télétravail pourrait temporairement réduire les inégalités dans la répartition des tâches après la naissance d’un enfant.
La charge mentale liée au travail domestique : un fossé grandissant entre hommes et femmes en télétravail
Les inégalités entre les femmes et les hommes dans la répartition des tâches quotidiennes à la maison (ou « charge mentale ») sont particulièrement accentuées lorsqu’ils pratiquent le télétravail.
Les femmes en télétravail sont autant préoccupées par la gestion du foyer pendant leur journée de travail que celles en présentiel (33 % contre 35 %), tandis que les hommes télétravailleurs s’en préoccupent moins (23 % contre 33 %). Cet écart, observé pendant la crise sanitaire, persiste aujourd’hui. Bien que le télétravail offre une certaine autonomie et une économie de temps, cela nécessite une coordination qui reste, en grande partie, à la charge des femmes, un rôle qui semble se renforcer avec cette organisation.
Les télétravailleurs en meilleure santé que leurs homologues de bureau
La santé des travailleurs est liée à l’organisation du travail, y compris en cas de télétravail. Avant la crise sanitaire, les télétravailleurs présentaient davantage de problèmes de santé, de handicaps ou de risques dépressifs. Le télétravail était principalement utilisé pour aménager les postes des salariés dont l’état de santé ne permettait pas un travail sur site. En 2023, l’étude indique que les télétravailleurs présentent un meilleur état de santé que les non-télétravailleurs : moins de problèmes de santé (31 % contre 37 %), moins de risques de dépression (17 % contre 20 %), moins de maladies chroniques (24 % contre 28 %), et moins de douleurs fréquentes (51 % contre 57 %) ou de troubles du sommeil (40 % contre 44 %).
Présentéisme et gestion du temps de travail
Les télétravailleurs, en particulier les femmes, ont moins de jours de maladie que les autres salariés, grâce à un taux de présentéisme plus élevé (53 % contre 45 %). Ce phénomène est plus marqué chez les femmes en raison de la flexibilité horaire liée au télétravail, mais aussi des responsabilités familiales (comme la garde d’enfants malades). Chez les hommes, la différence de présentéisme entre télétravail et présentiel est moins notable.
L’environnement professionnel à l’ère du télétravail
Le télétravail se fait principalement à domicile pour 98 % des salariés, tandis que 2 % travaillent dans des espaces de coworking ou autres lieux. Sur site, 56 % des salariés sont en open space et 25 % en flex office, ces deux configurations étant souvent combinées. Plus le télétravail est fréquent, plus ces aménagements sur site sont courants.
À domicile, 45 % des télétravailleurs disposent d’une pièce dédiée, et cette proportion augmente avec la fréquence du télétravail.
La majorité des télétravailleurs (61 %) collaborent avec d’autres personnes en télétravail, et 71 % ont un supérieur hiérarchique qui le pratique également. Enfin, 53 % doivent se rendre sur site le même jour que leur équipe, une pratique courante dans les environnements de télétravail.
Pour aller plus loin :
Lire notre article : L’évolution du télétravail - les enseignements du rapport de la DARES novembre 2024 (partie 1)
Notes :
Christian-Olivier Kajabika
Villages des notaires - Experts du patrimoine