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Commissaire-priseur : une profession « en perpétuelle évolution » (Alexandre Berthier)

Commissaire-priseur : une profession « en perpétuelle évolution » (Alexandre Berthier)

Pour lui, la profession de commissaire-priseur s’apparente à une chasse aux trésors. Commissaire-priseur salarié à Lyon, Alexandre Berthier a répondu aux questions de la Rédaction après avoir « tapé le marteau » pour la première fois. Formation, évolution et modernisation des fonctions, déroulement des enchères, autres missions et particularités : il nous éclaire sur les aspects clés de son métier.

Village des Notaires et des Experts du Patrimoine : Vous avez tout récemment dirigé la première vente aux enchères de votre carrière. En quoi est-ce un exercice à part entière ?

Alexandre Berthier : La première vente d’un commissaire-priseur est toujours un moment spécial. La coutume veut que, pour le « baptiser », le premier objet mis aux enchères soit un objet qu’il ne connaît pas. Selon l’inspiration des autres membres de l’étude, cela peut être quelque chose de très drôle ou, au contraire, de très ennuyant. Quelqu’un l’achète et va le donner au commissaire-priseur. Cela peut être un peu perturbant et il faut ensuite se ressaisir ! Pour ma part, j’ai eu la chance de faire une vente qui était assez courte, car je n’étais chargé que de sa deuxième partie pour environ une heure et demie, consacrée à la peinture lyonnaise. Chose appréciable, car démarrer avec une vente de quatre heures est éprouvant. L’exercice nécessite beaucoup d’énergie car il faut être attentif à ce qu’il se passe en salle mais aussi en ligne, et parler sans interruption. Si on laisse le vide s’installer, cela freine les enchères : il faut toujours avoir quelque chose à dire. Tout en étant capable de capter les différentes enchères. Avant, tout le monde était en salle et c’était donc plus simple. Aujourd’hui, Internet prédomine. S’ajoute à cela les enchères par téléphone, ainsi que les ordres d’achat reçus en amont de la vente. C’est un exercice passionnant mais qui doit être préparé.

VNEP : On comprend que le commissaire-priseur doit faire preuve d’une certaine aisance pour faire vivre la vente. Est-ce qu’on vous prépare à cela ?

A. B. : On nous donne les bases lors de la formation, avec les clés pour vaincre le stress et être en capacité de tenir une vente entière, placer notre voix, etc. Nous pouvons suivre, pour cela, des cours dits de théâtre durant lesquels nous faisons des simulations de ventes. Mais ce n’est pas le cas partout et cela gagnerait à être davantage développé. Souvent, on prend surtout exemple sur des commissaires-priseurs déjà établis. Mais il faut avoir sa propre personnalité à la tribune. Même si l’on est un peu préparé, l’attitude est surtout dictée par les traits de caractère. Certains vont être très démonstratifs, de vrais « showmen », quand d’autres vont être plus discrets, certains parler très vite, d’autres moins, etc.

VNEP : Quels conseils donneriez-vous à un jeune entrant dans la profession à la veille de sa première vente ?

A. B. : Le premier, ce serait de ne pas faire la fête la veille ! Plus sérieusement, il est certain qu’il faut être en pleine forme, surtout pour sa première vente car c’est la plus énergivore. Ensuite, je lui conseillerais d’être lui-même. Pour les deux ou trois premiers lots, il va être stressé. Il va adjuger sans se rendre compte qu’il adjuge vraiment. Il ne va le réaliser qu’après. Il y en effet beaucoup de règles à respecter, plusieurs étapes obligatoires de l’adjudication, outre le fait de prendre les enchères. Par exemple, il y a le mot « adjugé » : il faut absolument dire à qui on adjuge le lot et pour quel montant, sinon, la vente n’est pas scellée. Malgré cela, il faut s’amuser et s’épanouir dans cet exercice. Pour captiver les gens, il faut « se lâcher » un minimum, savoir user de la plaisanterie, etc.

VNEP : Outre la tenue des ventes, quelles autres tâches implique le métier de commissaire-priseur ?

A. B. : Rappelons qu’on distingue le commissaire-priseur volontaire du commissaire-priseur judiciaire (nouvellement commissaire de justice). Pour ce qui est du volontaire, en effet, il y a la vente aux enchères, mais aussi tout ce qui est en amont de la vente. D’abord, les inventaires, pour lesquels on se déplace et qui peuvent être très longs. Il peut s’agir d’une maison, d’un château ; on peut y passer une heure comme parfois deux ou trois jours. Cela peut être dans le cadre d’un partage ou d’un déménagement de personnes. On peut également être contacté par un notaire pour effectuer un inventaire successoral. Les « petits inventaires », eux, désignent plutôt toutes les expertises gratuites et les rendez-vous à l’étude, souvent après que les personnes nous ont envoyé des photos par mail en nous demandant une estimation. Certaines personnes peuvent aussi venir directement à l’étude, sur rendez-vous, et nous amener des objets pour expertise. On compte aussi des rendez-vous à l’extérieur qui ne sont pas de vrais inventaires, mais où la visite consiste à déterminer si tel ou tel bien a une valeur, s’il vaut mieux le vendre sur Internet, etc.

Nous jouons un rôle plus méconnu dans les procédures collectives

Entre la découverte de l’objet et la vente, il y a toute une étape de préparation et donc de description de l’objet. Pour 95 % des objets, on peut les estimer nous-mêmes, faire des photographies, en faire la publicité, etc. Il y a donc aussi tout un aspect commercial et de communication. Puis il y a environ 5 % des objets pour lesquels on doit faire appel à des experts, à qui on retransmet toutes les informations.
Nous jouons aussi un rôle plus méconnu dans les procédures collectives, qui est en pleine transformation. Il s’agit principalement de faire l’inventaire et la prisée du matériel d’une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire ; avant de le vendre aux enchères, si une vente de gré à gré n’a pas déjà été convenue préalablement.
Le commissaire-priseur judiciaire, lui, intervient souvent à la suite d’une ordonnance du juge, notamment dans le cadre des mesures de protection pour les inventaires de tutelles et de curatelles. Il faut aussi mentionner les ventes consécutives de saisies du tribunal, notamment avec l’AGRASC.

VNEP : Comment êtes-vous impacté par la « fusion » des commissaires-priseurs judiciaires et des huissiers de justice et la création des commissaires de justice ?

A. B. : J’ai initialement les deux casquettes de commissaire-priseur volontaire et judiciaire, je suis en train de faire la formation passerelle pour devenir commissaire de justice, imposée par la réforme. Pour maintenir son statut et devenir commissaire de justice, le commissaire-priseur judiciaire doit en effet avoir effectué 80 heures de formation à ses nouvelles fonctions. De même que les huissiers de justice se forment de leur côté aux estimations, à nos procédures et pratiques pour les ventes aux enchères, aux inventaires, etc., nous nous formons au sujet de leurs actes, notifications, etc. C’est intéressant : on découvre un nouveau monde, une nouvelle profession. C’est un grand changement mais qui va être progressif d’ici 2026 [1].

VNEP : Quelles sont les étapes à franchir pour être habilité à tenir le marteau ?

A. B. : Pour ce qui est du judiciaire, il fallait auparavant être habilité à tenir le marteau, c’est-à-dire être commissaire-priseur volontaire, et passer un examen supplémentaire appelé examen d’aptitude judiciaire. Ensuite, on était désigné par le juge dans une affaire et on pouvait tenir le marteau. Aujourd’hui, il y a un autre examen avec deux ans de formation et un examen spécial dédié pour les commissaires de justice et qui va leur permettre de tenir le marteau.
En volontaire, il faut avoir une licence en droit et en histoire de l’art pour pouvoir accéder à l’examen d’entrée en stage. Tout étudiant qui se présente a généralement aussi un master dans une des deux matières. Sur environ 150 candidats, seules 30 à 35 personnes sont admises par an, ce qui est assez drastique. L’examen comprend deux épreuves : une première, écrite, à l’issue de laquelle se fait réellement la sélection. Une deuxième, orale, pour la quarantaine de personnes qui ont réussi les écrits.

Nos formateurs sont des conservateurs, des auteurs, des directeurs de musées, des experts...

On dispose de trois tentatives pour réussir l’examen. Personnellement, j’ai mis un an à le préparer. Ensuite, on part en stage dans une maison de vente pendant deux ans, en tant qu’élève commissaire-priseur, avec cinq semaines de cours par an au Conseil des Ventes, à Paris, sur des thématiques très précises. Nos formateurs sont des conservateurs, des auteurs, des directeurs de musées ou des experts. On se déplace dans les musées, où l’on sort les objets des vitrines pour nous, ce qui est exceptionnel. C’est là qu’est le côté empirique du métier. On n’a pas de la porcelaine de Sèvres dans les mains tous les jours !

Le certificat d’aptitude à la profession de commissaire-priseur est une épreuve assez complexe

Entre les deux années de stage, on passe un examen d’accès à la deuxième année de stage qui consiste en un tour de salle et de petits oraux. Très peu échouent. À l’issue des deux ans de stage, on passe le certificat d’aptitude à la profession de commissaire-priseur qui, contrairement à ce que peut laisser penser son nom, est une épreuve assez complexe. Une fois ce certificat en poche, on est officiellement commissaire-priseur volontaire. Pour être enfin habilité à taper le marteau, il faut être soit salarié, soit associé d’une étude et demander une habilitation au Conseil des Ventes. Si l’on vient à changer de maison de vente, il faut alors redemander une nouvelle habilitation.
J’ai eu la chance de faire tout cela avant la réforme et de passer l’examen judiciaire un mois après l’examen volontaire. Les nouveaux entrants, en revanche, doivent devenir commissaires-priseurs volontaires et faire une troisième année de stage pour devenir commissaire de justice.

VNEP : Quels sont pour vous les éléments clés de la modernisation de la profession ?

A. B. : Elle est surtout due au fait que les jeunes diplômés sont très dynamiques en termes de communication. Avec les réseaux sociaux, on touche une autre population qui, généralement, n’était pas attirée par les enchères parce qu’elle en avait une vision fermée et coûteuse. Il est vrai qu’on entend plus souvent parler des très grandes ventes qui font de gros résultats. Or les gens se rendent compte qu’on peut trouver des objets parfois moins chers que chez les géants du meuble à bas prix et pour de la très bonne qualité ! Les enchères s’adressent aussi aux petits budgets et l’on vend des choses accessibles. Les ventes de mode se démocratisent beaucoup, par exemple, et séduisent les adeptes de la seconde main. On peut acheter des sacs à main de luxe pour des prix très abordables.

Pour que les maisons de vente résistent à la crise, il fallait qu’elles se digitalisent

Ensuite, il y a aussi eu Internet. Cela fait quelques temps que les maisons de vente se développent en ligne, mais la Covid-19 a été un vrai moment de basculement : pour résister à la crise, il fallait qu’elles se digitalisent. Aujourd’hui, tout le monde vend sur Internet. Toutes les ventes aux enchères ont lieu en ligne, de manière hybride (vente en salle et sur internet) ou exclusivement de manière dématérialisée . Et l’on a un public de plus en plus important grâce à ces plateformes.
Les médias jouent aussi un rôle dans la modernisation de notre activité. Les gens découvrent les enchères à la télévision dans des émissions dédiées. Cela reste de la télévision, mais tout le monde peut se dire « j’ai quelque chose, je vais aller voir un commissaire-priseur ». Avant la réforme de 2000, il n’y avait pas tout cet aspect de communication et ce côté commercial des commissaires-priseurs volontaires, qui étaient des officiers ministériels. La concurrence a changé la donne et il faut s’adapter constamment. Certains confrères mettent par exemple en place des expositions 3D où l’on peut, de chez soi, observer les objets sous toutes leurs faces.

VNEP : Un dernier mot sur le métier de commissaire-priseur ?

A. B. : C’est une profession aux multiples facettes et en perpétuelle évolution, pour quiconque a une appétence pour l’art, aime le commerce, les personnes et est curieux. On se lève le matin avec l’ambition de trouver un trésor. Le contact avec les personnes est vraiment important. Généralement, dans l’art, on s’oriente plutôt vers la recherche. Pour le commissaire-priseur, le côté relationnel est primordial. Aussi, on voit passer beaucoup de magnifiques objets et il peut parfois être frustrant de ne pas pouvoir garder tel tableau dans son bureau plus longtemps !


Notes :

[1Sur la nouvelle profession de commissaire de justice, voir not. « Commissaire de justice : une nouvelle profession en devenir ».

  • Commissaire-priseur : une profession « en perpétuelle évolution » (Alexandre Berthier)

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