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Ventes volontaires aux enchères : la cohabitation des OVV et des notaires

Ventes volontaires aux enchères : la cohabitation des OVV et des notaires

Parmi les professionnels du patrimoine avec lesquels le notaire entretient des liens étroits, le commissaire de justice (ex commissaire-priseur) a une place particulière. Il intervient naturellement lorsqu’il s’agit d’inventorier, de valoriser et de vendre aux enchères des biens. Si les ventes judiciaires ont été concernées par le rapprochement des commissaires-priseurs judiciaires et des huissiers de justice, tel n’est pas le cas des ventes volontaires. Elles restent une activité (commerciale) à part entière réalisée principalement par les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (OVV). La récente réforme concerne aussi les notaires, autorisés à réaliser de telles ventes à titre accessoire. Retour sur qui vend quoi et comment à ce jour.

La singularité du statut d’OVV

Le monde des ventes aux enchères publiques a connu une révolution majeure en 2000 [1] lorsque le législateur a libéralisé cette activité et, dans le même temps, imposé une distinction entre les ventes judiciaires et les ventes dites volontaires. Les opérateurs de ventes volontaires ont fait leur apparition sous la forme de sociétés commerciales, avec un objet qui est cependant resté civil. En revanche, les ventes strictement judiciaires, à savoir celles prescrites par la loi ou par décision de justice sont bien restées le monopole des officiers publics ministériels.

Dès lors, les commissaires-priseurs « historiques » ont été invités à isoler juridiquement et comptablement leur activité volontaire au sein de tels OVV, moyennant aussi un agrément délivré par le Conseil des ventes volontaires. C’est toujours le cas pour les commissaires de justice, cette nouvelle profession créée par la loi Macron [2] et qui a fait se rejoindre les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice : ils doivent de même isoler leurs activités liées aux ventes volontaires [3].

En 2011 [4], la libéralisation des ventes volontaires s’est poursuivie avec la suppression dudit agrément et l’autorisation d’exercer cette activité sous la forme et avec l’objet social de son choix. 2022 a aussi apporté son lot de nouveautés au secteur des ventes volontaires. La publication d’une nouvelle loi concernant le marché de l’art [5] redonne une place de choix aux commissaires-priseurs dans la régulation de ce marché. Autre point marquant de cette réforme, les OVV sont désormais autorisés à vendre aux enchères des biens meubles incorporels. On notera également que le Conseil des ventes volontaires est devenu le Conseil des maisons de vente.

Selon une typologie dressée par les professionnels [6], on distingue traditionnellement cinq grandes catégories d’OVV :

  • Les OVV franciliens d’œuvres d’art et objets de collection à la clientèle internationale  ;
  • Les OVV à la même spécialisation, en province et à la clientèle locale voire nationale ;
  • Les OVV généralistes ;
  • Les OVV régionaux de véhicules d’occasion  ;
  • Les autres OVV spécialisés dans d’autres secteurs spécifiques et à la clientèle internationale.

La plupart des OVV sont, dans les faits, adossés à des études de commissaires-priseurs judiciaires et donc, désormais, de commissaires de justice. Selon les chiffres communiqués dans le rapport de la Mission sur l’avenir de la profession d’OVV, dit rapport « Chaubon / Lamaze », fin 2018, il s’agissait en effet de 74 % des OVV [7].

Le recours du notaire aux OVV : des expertises complémentaires

Les notaires ont pour habitude de recourir aux services des commissaires-priseurs judiciaires (désormais, des commissaires de justice) pour mener à bien les inventaires mobiliers [8]. Le plus souvent, le notaire s’adjoint les compétences de ce professionnel dans le cadre des successions. Plus précisément, la loi impose parfois la réalisation d’un inventaire successoral : c’est notamment le cas lorsqu’on est en présence d’un héritier protégé, qu’il s’agisse d’un enfant mineur ou d’un majeur placé sous une mesure de protection.

Mais il arrive également que les notaires fassent appel à des commissaires-priseurs volontaires dans plusieurs situations. La récente loi de modernisation du marché de l’art [9] permet notamment de leur confier la réalisation des inventaires fiscaux, à l’occasion desquels les commissaires-priseurs se chargent aussi de l’estimation des biens successoraux (la « prisée »). C’est en effet un moyen de contrer l’application du forfait mobilier de 5 % de l’actif successoral, pour voir s’appliquer un taux d’imposition bien souvent inférieur compte tenu de la valeur réelle des biens. L’estimation figure ainsi sur l’acte authentique établi par le notaire à titre d’inventaire. C’est aussi l’occasion pour le notaire d’assurer le passage des biens en salle des ventes auprès du même OVV, dans le cas où les héritiers souhaiteraient les vendre aux enchères.

Il est aussi des catégories spécifiques de biens qui appellent naturellement le recours à l’expertise des OVV, à l’instar des œuvres d’art (tableaux et autres médiums) et d’autres objets de collection (bijoux, automobiles, etc.). Seul un OVV a en effet les connaissances nécessaires en histoire de l’art et en droit pour pouvoir estimer et vendre ce type de biens.
Son intervention est indispensable à la connaissance du juste prix de ces objets. Mais ce champ spécifique d’intervention ne s’inscrit pas que dans le cadre du règlement de successions : le propriétaire d’une œuvre d’art, par exemple, peut tout à fait vouloir la faire expertiser pour évaluation (chose que seul le commissaire-priseur, donc, est à même de faire) en vue de vendre, d’assurer ou tout simplement de savoir si la valeur de l’œuvre a fluctué. La complémentarité du commissaire-priseur et du notaire est ici toute trouvée, l’un attribuant une valeur patrimoniale au bien, et l’autre dotant cette évaluation d’une portée juridique via l’acte authentique.

La réalisation de ventes volontaires par le notaire

Traditionnellement, les notaires peuvent vendre aux enchères des biens immobiliers, ce qui concerne aussi bien les immeubles à proprement parler que les caves, les parkings, les terrains à bâtir ou encore les terrains agricoles. Ces ventes notariales sont connues sous le nom de « ventes à la bougie  ». De même, ils peuvent vendre des biens meubles non plus corporels mais incorporels puisqu’ils assurent aussi la vente aux enchères de parts sociales de sociétés non cotées.

Pour les autres biens, on pourrait penser que seul le commissaire de justice est habilité à réaliser des ventes aux enchères. C’est une idée reçue depuis la loi de 2022 concernant le marché de l’art [10]. Encore peu connue, la réalisation de ventes volontaires de certains biens peut désormais aussi être faite par le notaire. La particularité de cette activité est qu’elle ne nécessite pas (encore ?) la création d’une société commerciale, à la différence, donc, de ce qui est imposé aux commissaires du justice. Le notaire peut donc réaliser de telles ventes au sein même de son office, à condition qu’elles aient un caractère accessoire par rapport à son activité principale [11] et que le professionnel suive une formation spécifique [12].

Cette dispense bénéficiant aux notaires et dont les autres opérateurs ont été privés a fait débat au moment des discussions sur la plus récente réforme du monde des enchères. En 2018, la garde des Sceaux de l’époque, Nicole Belloubet, avait en effet explicitement demandé à la Mission sur l’avenir de la profession de «  se prononcer sur l’opportunité de maintenir l’habilitation spécifique prévue pour les notaires ainsi que l’exemption d’exercer dans une structure distincte de l’office dont ils seront les seuls, désormais, à bénéficier  [13] ». La commission concernée avait en ce sens suggéré que les notaires créent une maison de vente pour leur activité de ventes volontaires. Un amendement à la nouvelle loi soumis au vote de l’Assemblée reprenait cette préconisation et faisait état d’une « anomalie » qui, d’ailleurs, a été considérée comme une distorsion par l’Autorité de la concurrence. Or le législateur n’a finalement pas pris en compte cette suggestion, comme l’a constaté la sénatrice Catherine Belrhiti : « l’Assemblée nationale a supprimé, sans aucune explication, l’ensemble des dispositions relatives au notariat - je le regrette. [14] ». Cela étant, la responsabilité du notaire dans ce cadre n’a pas été évincée puisque le Conseil supérieur du notariat est tenu d’informer le Conseil des maisons de vente des faits commis par les notaires qui porteraient atteinte à la réglementation des ventes volontaires.

La question de l’interaction entre le secteur des ventes volontaires et le notariat est donc à suivre de près puisque les notaires ne sont pas à l’abri d’une harmonisation des conditions d’exercice de cette activité, ce qui impliquerait une réorganisation des offices. À Strasbourg, la Chambre des Notaires du Bas-Rhin a anticipé la querelle des ventes volontaires en créant il y a déjà plus de trente ans l’Hôtel des Ventes des Notaires, unique OVV notarial en France, pour traiter cette activité strictement à part. Reste à savoir pour combien de temps cela restera un cas particulier.


Notes :

[1L. n° 2000-642, 10 juill. 2000, JO 11 juill., portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

[2L. 2015-990, 6 août 2015, JO 7 août, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

[4L. n° 2011-850, 20 juill. 2011, JO 21 juill., de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

[5L. n° 2022-267, 28 fév. 2022, JO 1er mars, visant à moderniser la régulation du marché de l’art.

[6Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, Rapp. d’activité « Les ventes publiques en France », 2011.

[7Mission sur l’avenir de la profession d’opérateur de ventes volontaires, Rapp. au garde des Sceaux, ministre de la Justice, déc. 2018.

[8Voir not. Marie Depay, Sarah-Louise Gervais, « Fiche pratique : Commissaire-priseur/commissaire-priseur judiciaire ».

[9Cf. supra note 5.

[10Ibid.

[13Cf. supra note 7.

[14Rapp. législatif n° 489 (2021-2022), fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 fév. 2022.

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