Bienvenue sur le site des Experts du patrimoine

Site de référence d’information juridique pour tout ce qui concerne les problématiques patrimoniales Notaires, professionnels de l’immobilier, de la gestion de patrimoine, de la banque, des finances et de l’assurance vous disent tout !

Nouveau !

Devenez auteur !

Retrouvez aussi l’actualité des legs et donations / rubrique associations

+ management des offices
Poursuites disciplinaires et droit de se taire du notaire poursuivi

Poursuites disciplinaires et droit de se taire du notaire poursuivi

Saisi d’une QPC transmise par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel s’est prononcé en décembre 2023 sur le droit de ne pas s’auto-incriminer des notaires (et de certains officiers ministériels) devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement. Une décision génératrice d’un grand pas pour les droits de la défense, en dépit de la déclaration de constitutionnalité des dispositions critiquées.

Comme évoqué, les Sages de la rue de Montpensier ont été saisis par la Cour de cassation [1] d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité constitutionnelle des articles 2, 5, 6-1, 10 et 11 de l’ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels [2]. Ces textes précisent les modalités de l’exercice de l’action disciplinaire contre des notaires et de certains autres officiers publics ou ministériels devant le tribunal judiciaire statuant disciplinairement.

Le requérant (notaire) invoque ici une méconnaissance du principe de la présomption d’innocence et des droits de la défense.
Plus précisément, l’argumentation repose sur le fait que les textes ne prévoient pas la notification du droit de se taire lors de la comparution du notaire poursuivi, alors que ses déclarations sont susceptibles d’être utilisées dans le cadre de cette procédure ou, le cas échéant, d’une procédure pénale.

Dans sa décision du 8 décembre 2023 [3], le Conseil constitutionnel rappelle :

  • le principe de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 [4] ;
  • le droit découlant de ce principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser : le droit de se taire ;
  • le champ d’application de ce dernier : ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition.

La notion d’accusation en matière pénale au sens de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme n’est pas loin... [5].

L’apport majeur de la décision est la conséquence qu’en tire le Conseil : les principes et textes sus-évoqués impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.

Cela étant, et c’est ce qui justifie la déclaration de constitutionnalité :

  • les dispositions invoquées (ni aucune autre disposition législative) se bornent à désigner les titulaires de l’action disciplinaire, mais ne fixent les conditions selon lesquelles l’officier public ou ministériel poursuivi comparaît devant le tribunal judiciaire ;
  • la procédure disciplinaire applicable est (certes) soumise aux exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789, elle ne relève cependant pas du domaine de la loi mais du domaine réglementaire, sous le contrôle du juge compétent.

Le grief doit donc être écarté et les dispositions contestées sont déclarées conformes à la Constitution. Il n’en reste pas moins que les droits de la défense en matière de discipline notariale ont été très clairement reconnus !

Rappelons enfin que dans une décision du 23 juin 2023, le Conseil d’État a considéré, à propos d’un magistrat poursuivi disciplinairement, que la QPC soulevée pour les mêmes raisons de défaut de notification du droit de se taire, n’était pas nouvelle et ne pouvait être regardée comme présentant un caractère sérieux [6] : « ce principe [notification du droit de se taire] a seulement vocation à s’appliquer dans le cadre d’une procédure pénale ».


Notes :

[2Dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n°2019-964 du 18 septembre 2019. Ord. abrogée par ord. n°2022-544, 13 avr. 2022, JO 14 avr.

[4« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi »

  • Poursuites disciplinaires et droit de se taire du notaire poursuivi

Commenter cet article

Vous pouvez lancer ou suivre une discussion liée à cet article en cliquant et rédigeant votre commentaire. Votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé. Nous ne publions pas de commentaires diffamants, publicitaires ou agressant un autre intervenant.

A lire aussi dans la même rubrique :

L’Annuaire des traducteurs assermentés vous souhaite une bonne année !

Nous vous souhaitons tous nos vœux pour l’année 2021. Nous vous informons que la mise à jour de l’annuaire des traducteurs assermentés de France est en cours pour l’année 2021 et que vous pouvez déjà nous consulter pour toutes questions ou informations (...)

Lire la suite ...

Frais de notaire : les tarifs baissent en 2021.

Traditionnellement, chaque début de nouvelle année apporte son lot de changements. 2021 ne déroge pas à la règle et ce notamment pour les notaires. Ainsi une modification des tarifs réglementés de cette profession est entrée en vigueur le 1er janvier (...)

Lire la suite ...

Plaidoyer en faveur d’un encadrement normatif du devoir de conseil du notaire par le législateur OHADA, par Gueguang Ghomo

S’il existe une obligation des notaires qui contribue énormément à l’efficacité juridique et économique des actes notariés, en France et dans l’espace francophone, c’est bel et bien le devoir de conseil du notaire [6] . Il consiste à éclairer les parties (...)

Lire la suite ...

Procurations notariées à distance : le décret a été publié !

Ca y est, c’est officiel : le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020 autorise désormais l’établissement par les notaires de procurations authentiques sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ne sont pas présentes. Suite à cette (...)

Lire la suite ...