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Le legal design : une manière de repenser sa relation à l'autre ?

Le legal design : une manière de repenser sa relation à l’autre ?

Le legal design, vous en avez forcément déjà entendu parler, au moins une fois, n’est-ce pas ? C’est l’une des nouveautés qui agite l’écosystème juridique, particulièrement ces dernières années. « Le legal design est un processus d’innovation permettant de rendre le droit accessible et intelligible » [1]. Tout un programme ! Les Rédactions du Journal du Village des Notaires et du Village de la Justice vous proposent quant à elles ici, de rendre le legal design... accessible et intelligible ! Qu’est-ce que c’est exactement ? À quoi ça sert ? Comment faire ? En quoi est-ce innovant ? Nous vous disons (presque) tout !

Qu’est-ce que le legal design ?

Le legal design est parfois abusivement réduit à un travail de restitution visuelle (webdesign, infographie...) [2]. Or « tout ce qui est graphique ou esthétique, ce n’est pas du design en soi » [3].

Donc, « non, le petit croquis griffonné au stylo sur un coin de feuille lors de votre dernier rendez-vous client ne fait pas de vous un notaire qui manie le legal design » [4]. Mais la démarche est méritante, en ce qu’elle permet « de faire en sorte que vos propos soient compris par votre interlocuteur, "autrement" » [5]. De quoi commencer à approcher le cœur du sujet...

Le legal design est un processus, une méthode : il s’agit avant toute chose d’adopter, en matière juridique, une nouvelle façon de penser, empruntée aux milieux du design, que l’on appelle le «  design thinking  ». Celui-ci consiste en un processus de pensée et de compréhension des besoins, centré sur le client final, l’usager, l’utilisateur, etc.

Le legal design est l’application de cette méthodologie au droit [6]. L’objectif est de rendre le droit accessible, en produisant de l’information juridique simple et en mettant les besoins du destinataire final de l’information au centre de l’attention.

C’est donc « d’abord un processus de pensée et de compréhension des besoins, centré sur l’usager du droit  » [7]. « Bien entendu, il y a toujours cet impératif de l’esthétique, parce que l’on se rend vite compte que le design "moche", dans le sens "pas compréhensible", empêche l’adhésion des personnes destinataires. Il est alors plus compliqué de faire passer son message » [8].

Avec le legal design, il est question de s’intéresser à la forme pour faire passer son message et de se mettre à la place de son interlocuteur, notamment s’il ou elle n’est pas juriste. Toutefois, il est vrai, « si le besoin de "centricité" client fait peu débat aujourd’hui, la question reste de savoir comment conduire le changement » [9].

Le legal design : comment faire ?

Le legal design permet de «  conjuguer l’expertise juridique avec des techniques de design et un petit peu de technologie, pour rendre le droit accessible, intelligible et engageant » [10]. La démarche peut s’appliquer à une multitude d’objets et informations juridiques : site internet, édition de plaquettes (flyers, brochures, etc.), contrats et autres conventions, supports de formation, réformes juridiques, jurisprudence, processus de décision, déroulement de procédures, etc. Tout objet juridique serait finalement susceptible d’être « legal designé ».

Il repose sur une démarche consistant « à la fois à recueillir des besoins, des attentes et des frustrations, permettre de s’immerger et de changer de posture, impliquer d’autres profils dans un exercice de co-conception, et encore tester la validité de prototypes » [11]. Voyons comment se déroule concrètement le processus.
Un projet de legal design se déroule en cinq étapes [12], calquées sur celles du design thinking.

1re étape : empathie

Cette phase d’observation implique de se mettre à la place du destinataire final de l’information. D’un point de vue concret, il s’agit d’observer, de recueillir et d’échanger pour comprendre les besoins précis et les contraintes de la personne à qui l’information est destinée. Réalisée à plus ou moins grande échelle, cette phase permet d’identifier son « persona » (client-type), à qui le produit legal designé est destiné.

2e étape : définition du problème

Ici, il est question de définir précisément le sujet. Il est recommandé de formuler une question générique du type : « comment pourrais-je... » + verbe d’action + pour qui (mon client-type) + « dans le but de... » (pour bien garder l’objectif en tête).

3e étape : idéation

Cette phase est la plus créative et se déroule souvent en groupe plurisdisciplinaire. Il faut ici évoquer et compiler les idées susceptibles de répondre à la question précédente. Cela se fait en général en deux phases, renouvelées. Une première phase dite « divergente », pendant laquelle les idées sont captées sans filtre, ni jugement. L’imagination et le foisonnement des idées sont les maîtres-mots, tout est bon à prendre !
Une deuxième phase, dite « convergente » permet d’analyser et de sélectionner les idées les plus pertinentes (faisabilité, utilité, originalité, efficacité, correspondance avec l’identité de l’office, etc.).
Une troisième phase, de divergence à nouveau, conduit à réfléchir sur toutes les modalités possibles pour mettre en œuvre des idées sélectionnées en 2e phase.
Une quatrième et dernière phase, de convergence à nouveau, permet de choisir, parmi les propositions faites lors de la précédente phase, le projet qui sera finalement adopté.

4e étape : prototypage

Cette étape est le prolongement direct de l’étape précédente, dont les deux dernières phases sont d’ailleurs parfois rattachées ici. Le but est en effet de répondre à deux séries de questions : quelles informations traiter et comment les traiter ? Quels visuels choisir ? « Le travail sur l’information est primordial et va de pair avec la mise en page du document » [13]. On allie ici les mots et les visuels pour structurer l’information. Cette étape n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait peut-être penser, la plus facile à mettre en œuvre. Il est en effet indispensable 1) de sortir de son approche de juriste, 2) de toujours se reconcentrer sur le besoin du destinataire final et de l’usage qui sera fait du support.

5e étape : test et lancement

Une fois le prototypage réalisé, la maquette est proposée à un panel de destinataires qui vont tester l’objet legal designé et faire des retours sur différents aspects (compréhension des mots, couleurs, ordonnancement des idées, etc.). Leurs « feed-back », au besoin sur des versions successivement améliorées, vont permettre de finaliser le produit... jusqu’à sa prochaine version !

Le legal design : en quoi est-ce innovant ?

Un changement de posture

Adopter une approche complètement centrée sur l’utilisateur n’est pas forcément plus naturelle pour le juriste (au sens large), dont les raisonnements et le traitement des informations sont profondément ancrés et intuitivement influencés par la norme juridique. Mais la complexité n’est pas (plus ?) forcément de nature à rassurer le client sur les compétences du professionnel auquel il s’adresse. L’accessibilité est bel et bien une vertu !

L’expertise juridique est bien sûr nécessaire dans la mise en œuvre du legal design. Mais la démarche va notamment supposer de simplifier le langage, en le rendant plus accessible (mais non simpliste ; c’est la raison pour laquelle on parle désormais de langage clair plus que de vulgarisation), d’agencer différemment les informations, d’alléger le contenu juridique. Indéniablement, si je me mets à la place du destinataire de l’information (particulièrement s’il s’agit d’un client non-juriste), il y a vraisemblablement des précisions/distinctions juridiques qui ne sont pas utiles à la compréhension, des synonymes plus simples qui peuvent être employés, des schématisations qui peuvent être utilisées à la place et/ou en soutien du discours, etc.

Sans abandonner le cadre de son intervention professionnelle, le juriste (au sens large) qui veut pratiquer le legal design doit adopter une posture différente : « en droit, le professionnel a une posture d’autorité (...) Avec le design, c’est le contraire : il faut s’effacer et laisser la place aux utilisateurs. C’est probablement le facteur le plus difficile dans une profession, d’avoir une expertise mais d’accepter de la remettre en cause pour privilégier celle de l’usager » [14]. C’est d’abord en cela que le legal design peut être vu comme une pratique innovante [15].

C’est aussi la raison pour laquelle il peut être utile – voire indispensable – de se faire accompagner par un professionnel du legal design. Celles et ceux qui ont adopté la démarche le disent, « il faut être accompagné et formé au début, savoir s’entourer » [16]. Des ateliers d’idéation à la structuration de l’information, en passant par les choix graphiques, l’accompagnement facilitera grandement la mise en œuvre des projets et la mise en route du changement dans vos pratiques. Il permettra aussi bien sûr de lever les contraintes susceptibles de freiner votre démarche : absence de maîtrise des outils graphiques et/ou de fibre artistique, crainte du manque de précision juridique, manque de temps [17].

Une méthodologie au service d’enjeux d’accessibilité

Si l’on se place du côté des enjeux plus globaux, le legal design est une méthode indissociablement liée à l’intelligibilité du droit. En la matière, nous connaissons tous l’adage nemo censetur... Nul n’est censé ignorer la
loi... Certes, mais encore faut-il que celle-ci soit claire et intelligible !

Or, il est assez notoirement connu que la norme juridique est technique, que le langage juridique a – pour le moins – des spécificités et que le raisonnement juridique peut être particulièrement complexe. S’il nous arrive, nous-mêmes juristes, d’y perdre parfois notre droit, que dire pour un non-juriste... !

C’est précisément à cette problématique que s’intéresse le legal design : clarté, intelligibilité et partage du savoir. La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) y voit d’ailleurs un moyen de promouvoir l’accès au droit : elle recommande ainsi « de mettre en place des dispositifs d’information qui soient clairs et intelligibles aussi bien pour les bénéficiaires que pour les agents administratifs. Leur développement devrait partir de la situation de la personne concernée, afin que soit facilité l’accès aux droits. L’usage d’un langage clair et le recours au legal design doit être encouragé » [18].

Une expérience collaborative

L’autre originalité du legal design est que l’approche « repose sur l’ouverture à l’autre, et donc sur la capacité à confronter sa vision à d’autres points de vue et à embarquer des compétences hors du juridique dans son projet  » [19]. Il permet en effet de « travailler en équipe pluri-disciplinaire (juristes, marketing, commercial, communication) » ; c’est un outil permettant de « générer de l’adhésion [et d’] entraîner bien d’autres services [de la structure] » [20], participant d’autant à la cohésion, à la motivation, à la fidélisation des membres de l’étude. Un enjeu d’autant plus prégnant en l’état actuel du secteur du recrutement juridique et au regard des attentes des « nouvelles » générations ?

A. Dorange


Notes :

[1Rédaction du Village de la Justice, « Réinventer la relation client... avec le legal design ».

[5Ibid.

[6K. Pineau, art. précité.

[7« Le legal design, une méthode pour imaginer de nouveaux services juridiques », art. précité.

[8K. Pineau, art. précité.

[11Ibid.

[12Voir not. « Le legal design, nouvel atout de la relation-client pour les métiers du droit », art. précité.

[13« Réinventer la relation client... avec le legal design », art. précité.

[14K. Pineau, in « Le legal design, nouvel atout de la relation-client pour les métiers du droit ? », art. précité.

[15Au sens du Manuel d’Oslo, définissant l’innovation comme un « produit ou un processus (ou une combinaison des deux) nouveau ou amélioré qui diffère
sensiblement des produits ou processus précédents d’une unité et a été mis à la disposition d’utilisateurs potentiels (produit) ou mis en œuvre par l’unité
(processus)
 ».

[16Rédaction du Village de la Justice, « 8 idées sur le legal design ».

[18CNCDH, 24 mars 2022, avis n° A-2022-4 sur l’accès aux droits et les non-recours, NOR : CDHX2210069V, JO 3 avr.

[19E. Teissère, in « Le legal design, nouvel atout de la relation-client pour les métiers du droit ? » », art. précité.

[20« 8 idées sur le legal design », art. précité.

  • Le legal design : une manière de repenser sa relation à l’autre ?

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