I. L’acte notarié blockchain : définition et état des lieux
L’acte notarié inscrit sur une blockchain désigne un acte reçu par un notaire habilité, établi sous forme numérique, puis inscrit dans une chaîne de blocs certifiée. L’objectif est clair : garantir l’authenticité, l’intégrité, la date certaine et la traçabilité de l’acte. Il ne s’agit nullement d’un acte généré par une intelligence artificielle ou par la blockchain elle-même, mais bien d’un acte notarié traditionnel auquel on ajoute une couche technologique, agissant comme un support sécurisé de preuve et de conservation.
En l’état actuel du droit français, aucune législation ne reconnaît l’acte notarié blockchain comme acte authentique autonome. Conformément à l’article 1369 du Code civil, le statut d’acte authentique est réservé aux actes reçus par un officier public, comportant la vérification du consentement des parties, la signature électronique qualifiée du notaire, et l’enregistrement via le MICEN. La blockchain, à ce jour, ne se substitue ni à l’intervention de l’officier public, ni au régime d’authentification en vigueur. Elle demeure un outil à valeur probatoire complémentaire, encore sans fondement législatif explicite.
II. Les apports concrets de la blockchain à la pratique notariale
Malgré cette absence d’encadrement normatif, la blockchain offre des avantages concrets et déjà mesurables dans la pratique :
- sécurisation de la preuve : en hachant un document ou un consentement dans une blockchain publique ou privée, on garantit son existence à une date donnée ;
- traçabilité et transparence : les inscriptions sont immuables, vérifiables, et renforcent la confiance dans les opérations ;
- archivage décentralisé : en complément du MICEN, la blockchain permet une redondance des données, utile en cas de sinistre ou de cyberattaque ;
- renforcement de la valeur probatoire des actes sous seing privé : promesses de vente, contrats d’associés, testaments olographes peuvent ainsi être enregistrés avec plus de force juridique ;
- applications élargies en droit des sociétés et droit immobilier : pour le suivi de titres, les transferts de propriété, la certification de documents ou l’enregistrement d’échanges numériques.
La blockchain ne remplace pas le notaire, elle le renforce. Elle outille la fonction d’authentification sans en modifier l’essence.
III. Pourquoi intégrer la blockchain dans le droit français ?
L’absence actuelle d’encadrement juridique constitue un frein à l’exploitation optimale de la blockchain dans le notariat. Elle laisse place à l’incertitude, à l’interprétation variable, voire à des usages incontrôlés. Intégrer la blockchain dans le Code notarial, c’est :
- garantir la sécurité juridique des actes innovants ;
- préserver l’autorité de l’acte authentique face à la multiplication des solutions numériques ;
- offrir un cadre normatif clair aux notaires, aux clients et aux tiers ;
- positionner la France à l’avant-garde du notariat numérique en Europe.
IV. Propositions d’encadrement juridique : vers un chapitre dédié dans le Code notarial
L’élaboration d’un corpus normatif spécifique consacré à la blockchain notariale s’impose. Voici une proposition de structure articulée autour de cinq articles fondamentaux :
Article 1 — Définition
L’acte notarié blockchain désigne un acte reçu par un notaire habilité, établi sous forme numérique, puis inscrit dans une chaîne de blocs certifiée. Cette technologie permet d’en garantir l’authenticité, l’intégrité, la date certaine et la traçabilité. Bien qu’il ne remplace pas l’acte authentique classique au sens du Code civil, il peut constituer un support complémentaire ou probatoire, sous réserve du respect des conditions légales et déontologiques.
Article 2 — Conditions de validité
Pour être valable, l’acte notarié blockchain doit :
- être établi conformément aux règles de l’acte authentique prévues par le Code civil ;
- être signé par le notaire au moyen d’une signature électronique qualifiée ;
- être inscrit dans une blockchain agréée ou validée par le Conseil supérieur du notariat ;
- mentionner l’identification des parties ainsi que l’expression claire et non équivoque de leur consentement.
Article 3 — Valeur probatoire
L’inscription d’un acte notarié dans une blockchain reconnue confère à cet acte une valeur probatoire renforcée, notamment en matière de date certaine, d’intégrité du contenu et de non-altération.
Article 4 — Conservation et archivage
Les actes notariés établis par blockchain peuvent être conservés, en parallèle du Minutier central électronique des notaires de France (MICEN), dans une blockchain sécurisée, sous la responsabilité du notaire instrumentaire. Les conditions techniques, juridiques et de sécurité de cette conservation sont définies par le Conseil supérieur du notariat.
Article 5 — Blockchain notariale certifiée
Une ou plusieurs blockchains notariales peuvent être créées ou agréées par les instances représentatives de la profession notariale, en concertation avec les autorités de régulation compétentes, afin de garantir un haut niveau de sécurité, de confidentialité et de conformité aux exigences déontologiques de la profession.
Conclusion : Pour une codification notariale à la hauteur des enjeux numériques
L’élargissement de la pratique notariale à de nouveaux supports technologiques appelle une codification claire, structurée et sécurisée. Le futur Code notarial devra non seulement clarifier les définitions, préciser les conditions de validité et organiser les modalités de conservation des actes électroniques, mais également encadrer les usages innovants – tels que la blockchain – afin d’assurer la continuité de la sécurité juridique dans un environnement numérique en constante évolution.
Intégrer la blockchain dans le droit français, ce n’est pas rompre avec la tradition notariale, c’est lui donner les moyens de continuer à protéger efficacement les droits des citoyens dans le monde de demain.
GUEGUANG TSALEFACQ GHOMO
Passionné du notariat