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Les labels associatifs scellent les liens de la confiance avec les donateurs
Parution : jeudi 28 novembre 2019
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Le don ne repose plus seulement sur la générosité car il relève aussi désormais de la confiance des donateurs. Pour la conforter, les organismes collecteurs de fonds privés sont donc tenus de garantir une réelle transparence quant à un usage conforme de leurs ressources. Le nouveau plan comptable associatif peut y contribuer. Mais les labels restent avant tout les meilleurs garants de la crédibilité et de la fiabilité des associations.

D’après le baromètre 2019 de l’Observatoire du Don en Confiance [1], plus de la moitié des Français déclarent aujourd’hui faire confiance aux associations et aux fondations qui font habituellement appel à la générosité. C’est ce qu’affirment en tout cas 55% des 2 000 personnes interrogées dans le cadre de l’étude Le Don en Confiance - Viavoice rendue publique à la mi-octobre, confirmant un bon niveau de confiance resté globalement stable dans l’opinion au cours des cinq dernières années.

Le même indicateur précise également qu’une large majorité de la population perçoit les organismes non lucratifs comme des acteurs tout à fait aptes à répondre aux multiples défis de la société. 47% des sondés estiment que le monde associatif est en capacité de combler les failles de l’action publique, 15% considèrent qu’il peut encore la compléter et 14 % sont convaincus qu’il est à même d’inciter une prise de conscience devant certains enjeux. 

Une précédente enquête menée en 2018 avait toutefois montré que les associations et les fondations bénéficient auprès du public d’un indice variable de confiance selon leurs champs d’intervention. Si elles semblent les plus en mesure de protéger l’animal, leur légitimité point en revanche à des degrés divers pour soutenir des projets dans les pays en développement, lutter contre la pauvreté et l’exclusion, aider les personnes malades ou en situation de handicap ou accompagner les réfugiés et les demandeurs d’asile.

Compte tenu d’un contexte marqué par les réformes fiscales qui ont entraîné la baisse sensible des dons (- 4,2% en 2018), le secteur associatif n’a toutefois pas d’autre alternative qu’imaginer d’autres systèmes de collectes pour asseoir la pérennité de ses missions. [2] Or, l’enquête de 2019 laisse apparaître que le don est maintenant « plus qu’une question de générosité » et que la confiance des donateurs en est devenue un levier essentiel, voire fondamental et décisif.

Un manque de confiance entraîne en effet des doutes et des suspicions qui s’érigent alors en principaux obstacles au don, selon la plupart des répondants qui témoignent d’une défiance quant à l’utilisation des fonds recueillis (62%), bien avant d’invoquer une insuffisance de ressources personnelles (57%), de se dire déjà contributeurs par l’impôt (36%) ou d’admettre ne pas se sentir solidaires de certaines causes (24%). 

80% des sondés sont par ailleurs enclins à croire qu’un organisme chargé de contrôler les associations et les fondations contribuerait à limiter les abus et les scandales (78%), à améliorer leurs pratiques et leur gestion (77%) et à inciter les Français à donner davantage (60%). 

Nouvelle réglementation

En matière de contrôles, les organismes qui collectent les dons étaient jusqu’alors assujettis aux mesures spécifiques du Comité de la réglementation comptable (CRC 99-01), entré en vigueur en janvier 2000. Mais les modalités n’avaient guère varié en l’espace de deux décennies, avant que les évolutions du secteur associatif et de la législation ne conduisent l’Autorité des normes comptables (ANC) à entreprendre la réforme du plan comptable associatif en 2016. 

En remplacement du CRC 99-01, le règlement ANC 2018-06 issu de cette réforme fixe un nouveau cadre qui s’applique obligatoirement aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, selon l’arrêté du 26 décembre 2018, publié le 30 au JO. [3] La réglementation, dont un volumineux document de 41 pages renferme l’ensemble des dispositions, vise à mieux répondre aux besoins de transparence nécessaires à une meilleure visibilité des comptabilités associatives.

Les principaux changements portent sur l’inscription des subventions d’investissement au compte d’exploitation et l’approfondissement des annexes (objet social, périmètre des activités, missions, moyens mis en œuvre...). Ces dernières sont appelées à se montrer plus explicites pour une meilleure approche des comptes annuels (incluant bilan, compte de résultat et annexes). Les dons, legs, donations et assurances-vie font en outre l’objet d’un traitement plus détaillé au compte de résultat. Les organisations qui les perçoivent sont d’ailleurs tenues de présenter un compte de résultat par origine et destination (CROD) en complément du compte d’emploi des ressources (CER) modifié.

« On aligne schématiquement les associations sur les sociétés commerciales mais elles gardent la spécificité des legs, des donations, des fonds dédiés et des contributions volontaires qui leur sont réservés, » commente Frédéric Dintras, expert-comptable en Haute-Vienne [4]. « Le renforcement des annexes, ajoute-t-il, est un bon point pour l’information des usagers, des adhérents, des banques, de l’administration sociale et fiscale et des commissaires aux comptes. »

La nouvelle réglementation s’adresse avant tout aux structures qui bénéficient de plus de 153 000 € de subventions et de dons ou dont les comptes liés à une activité économique franchissent deux des trois seuils fixés par le Code du Commerce (ressources ou bilan respectivement supérieurs à 3,1 M€ et 1,55 M€ et plus de 50 salariés en CDI). Si moins de 5% sont actuellement concernées par les nouvelles dispositions, les fondations et les fonds de dotation peuvent cependant s’y conformer dès cette année s’ils le souhaitent. 

« Il est logique que les fondations et les associations garantissent une transparence totale de leurs actions et de leurs comptes, » estime Jean-François Legueulle, délégué général de la Fondation 30 Millions d’Amis, à propos d’un nouveau plan comptable qui, selon lui, « va renforcer cette transparence ». « Nous nous devons également de garantir la confiance qui nous lie aux donateurs, » poursuit-il, précisant qu’il s’agit « d’un préalable à tout geste de générosité ».

Rigueur et exigences

Pour accroître la confiance et lever d’éventuels soupçons quant à leur transparence ou leurs compétences, les organismes non lucratifs peuvent prétendre à des agréments officiels qui attestent de leur crédibilité et de leur fiabilité réelles, à même de rassurer les bienfaiteurs. Neutres par principe, ces agréments sont attribués en toute indépendance et ils s’attachent à approuver l’organisation d’une structure associative, sa gestion financière et l’efficacité de ses pratiques. Ils ne cautionnent en revanche ni la pertinence, ni l’utilité des projets. 

Association de droit privé, Don en Confiance délivre ainsi son propre label aux organisations d’intérêt général qui s’engagent à respecter sa Charte de déontologie [5] dont la cinquantaine de règles sont guidées par des principes de transparence, de rigueur et d’efficacité de gestion, de probité, de désintéressement et de respect du donateur. Une centaine d’experts en effectuent un contrôle d’abord initial puis continu, destiné à sceller un lien de confiance entre les associations, les fondations et leurs donateurs ; quelle que soit l’origine des libéralités (particuliers, testateurs légataires, contribuables IFI ou mécènes). 

« Nous vérifions que tous les éléments de la confiance sont constitués, » explique Nathalie Blum, directrice générale de Don en Confiance. S’ils sont réunis, le label est alors accordé pour une durée de trois ans, susceptible d’être reconduite. Mais, prévient Nathalie Blum, « il peut être retiré à tout moment si l’on considère que des choses ne sont pas conformes à nos exigences ». [6] 

L’organisme indépendant a vu le jour il y a tout juste 30 ans, à l’initiative de principaux acteurs associatifs aspirant à l’époque à rétablir une vraie confiance dans leur secteur, après les différents scandales qui l’avaient agité à la fin des années 80. Les premières règles contenues dans la Charte originelle se sont depuis considérablement étoffées de toujours plus d’exigences afin de certifier que les actions des associations labellisées sont en tout point conformes aux valeurs qu’elles défendent. 

Pour prétendre au label, les organisations d’intérêt général, sans but lucratif et faisant appel à la générosité ont l’obligation de collecter chaque année plus de 500 000 € de fonds privés. Sont donc exclues les associations financées en totalité par les pouvoirs publics et les structures qui militent en faveur d’intérêts particuliers ou qui mènent des missions à vocation clairement politique, syndicale ou religieuse. 91 organisations (soient 400 000 bénévoles et 50 000 salariés) sont à ce jour labellisées « Don en Confiance ». Leurs budgets sont globalement chiffrés à près de 5 Mds€, dont 1,6 Mds€ proviennent de la générosité du public. 

Avec l’organisation Mécénat Chirurgie cardiaque [7], l’association parisienne à la tête du réseau UNAPEI [8] s’est vu cette année attribuer le label convoité, après « une instruction d’un an pour vérifier notre conformité aux éléments de la Charte du Don en confiance », précise Thibaud Walter, responsable des partenariats et de la collecte de fonds à l’UNAPEI. La fédération, née en 1960 puis reconnue d’utilité publique en 1963, rassemble en France 550 associations dont les 900 000 membres sont engagés pour la cause du handicap.

« Nous voulions d’abord nous assurer que nos processus de collecte étaient bons et qu’ils permettaient une vraie transparence vis-à-vis de nos donateurs, » explique Thibaud Walter, détaillant le double objectif de la démarche de labellisation. « Le deuxième axe était de garantir à nos parties prenantes, donateurs ou non, que l’argent est bien utilisé, » poursuit-il, s’appuyant sur une « notion d’efficience » qu’il estime à la fois « intéressante et pertinente »

90 bonnes pratiques

Le label IDEAS [9] est quant à lui dédié depuis 2010 aux organismes non lucratifs pour affirmer la qualité de leur gouvernance, de leur gestion financière et du suivi de l’efficacité de leur action. Il est attribué pour une période renouvelable de trois ans, à l’issue d’un processus d’optimisation des pratiques d’une durée moyenne de 15 mois. Le comité indépendant qui décerne le label tient compte des contrôles externes, du rapport de l’Institut IDEAS et de l’audition de l’organisme. La démarche ne fait par ailleurs appel à aucune cotisation, selon un principe d’indépendance à laquelle l’Institut accorde une valeur forte. Plus de 50 associations et fondations sont actuellement labellisées, attestant de leur conformité aux exigences du Guide IDEAS des Bonnes Pratiques.

Conçu il y a dix ans, ce référentiel structurant d’une soixantaine de pages a fait l’objet d’une refonte motivée par les évolutions majeures du secteur de l’ESS. Plus courte et plus claire pour en accroître l’impact, la version réactualisée regroupe 90 « bonnes pratiques » autour des trois thèmes clés que sont la Gouvernance, la Finance et le Pilotage & Évaluation. Intégrant les expériences acquises en une décennie, elle approfondit encore certaines thématiques particulières, dont la gestion des ressources humaines, l’évaluation de la performance, la responsabilité sociétale ou la mesure de l’impact. Présentée à la mi-octobre à Paris lors du Forum national des associations et fondations, la nouvelle formule est disponible en téléchargement gratuit sur ideas.asso.fr.

« Le Guide IDEAS n’est pas exclusivement réservé aux organismes qui entreprennent une démarche de labellisation, » souligne Suzanne Chami, Déléguée générale de l’Institut. « Nous le diffusons gratuitement, précise-t-elle, pour encourager le plus grand nombre d’organismes non lucratifs à s’en saisir pour optimiser leur action. »

S’il rapproche les besoins des organisations et les attentes des financeurs, le guide IDEAS est également le support d’un accompagnement personnalisé. Complété de formations autour de thèmes d’actualité, il aide à mieux appréhender un environnement en pleine mutation. La récente réforme du règlement comptable associatif a ainsi fait l’objet d’un atelier IDEASLab que l’Ordre des Experts-Comptables et la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes, membres fondateurs de l’Institut IDEAS, ont co-organisé cette année afin de répondre aux multiples demandes de responsables associatifs.

Avec la transformation de son site internet devenu « plus intuitif » et l’évolution de son logo réaffirmant que l’intérêt général motive à la fois son engagement et son action, l’Institut IDEAS s’est en outre engagé dans une stratégie de digitalisation issue d’une réflexion collective 
« pour améliorer la diffusion et l’accessibilité de nos documents de travail auprès de toutes nos parties prenantes », explique Suzanne Chami. Si 2019 a marqué la première étape de la démarche, le 10ème anniversaire du label sera quant à lui l’un des événements essentiels de l’année 
qui vient.

Alain Baudin

Article initialement publié dans le Journal du Village des Notaires n°78

[1Le Don en Confiance, « Le don, plus qu’une question de générosité », Étude réalisée par Viavoice, Octobre 2019

[2« Les associations font face à une chute sans précédent des dons », Le Journal du Village des Notaires n°73, Janvier-février 2019.

[3Règlement n° 2018-06 du 5 décembre 2018 relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif, Autorité des normes comptables.

[4Frédéric Dintras est vice-président du Conseil de l’Ordre des Experts-comptables de la Région de Limoges

[5donenconfiance.org

[6Radio Judaïca Strasbourg, L’invité de la rédaction, Valérie Vial reçoit Nathalie Blum, 11 juillet 2019.

[7Mécénat Chirurgie cardiaque – Enfants du Monde (13 salariés, 300 bénévoles) permet à des enfants atteints de malformations cardiaques d’être opérés en France.

[8Union nationale de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, unapei.org

[9À l’origine du label, L’Institut de Développement de l’Éthique et de l’Action pour la Solidarité (IDEAS) a été créé en 2005 pour soutenir les organismes non lucratifs par le développement de leurs capacités d’action, la valorisation de leurs démarches de progrès et la contribution à l’essor de la philanthropie.