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Interview Pierre-Luc Vogel, président du Conseil supérieur du notariat.
Parution : lundi 8 février 2016
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Le Président Pierre-Luc Vogel est aujourd’hui à mi-mandat au sein du Conseil Supérieur du Notariat. Le Journal du Village des Notaires l’a rencontré afin de faire le point sur cette 1ère année mais aussi connaître ses futurs projets.

Quel est votre rôle dans l’élaboration réglementaire de la loi relative à la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ?

J’ai rencontré Emmanuel Macron, le 17 octobre 2015, pour faire le point sur la phase réglementaire. Cet entretien a été l’occasion pour moi de l’inviter à notre Assemblée Générale qui s’est tenue le 28 octobre dernier. Au cours de cet événement, il a pu rencontrer les élus de la profession et nos échanges furent très nourris.

Sur la phase réglementaire, le premier sujet traité est celui relatif au décret tarifaire. Une première version nous a été transmise vers la mi-septembre. Nous l’avons minutieusement étudiée, eu des échanges avec la DGCCRF
et déposé une lettre d’observations de 11 pages au Conseil d’Etat. Au cours de mon rendez-vous avec le Ministre de l’Economie du 17 octobre, il a été convenu, qu’en raison des observations faites, le décret soit réécrit complètement. Nous y travaillons donc avec la DGCCRF et la Chancellerie.

Pour les décrets relatifs à l’installation et à l’interprofessionnalité, nous n’avons pas encore eu de projets. Ces derniers devraient nous être transmis prochainement.

Notre souhait est que le processus réglementaire se déroule rapidement. Le tarif n’étant pas connu, nous avons aujourd’hui 4 500 entreprises qui ne connaissent pas le modèle économique qu’elles devront appliquer au 1er février prochain. Nous sommes donc très impatients de connaître la version finale de ce décret ainsi que les arrêtés afin de pouvoir préparer l’avenir.

Le système notarial français est un modèle pour un grand nombre de pays. Ne craignez-vous pas que ce statut soit remis en question ?

La loi relative à la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques va faire évoluer notre profession.
Mon principal objectif est de veiller à ce que la phase réglementaire ne détruise pas le modèle notarial français reconnu dans le monde entier. J’ai eu l’occasion de participer à l’Assemblée Générale de l’Union Internationale du Notariat Latin et il est vrai que les autres pays observent l’application de cette loi dite « Macron ». Ils sont curieux de connaître les impacts qu’elle aura sur la profession.
Mon devoir est de préserver ce qui fait la spécificité du notariat français tout en faisant évoluer la profession. Nous n’avons jamais été contre les réformes

Vous êtes à mi mandat à la tête du CSN. Quels sont vos projets pour la suite de votre mandature ?

La première année de mon mandat a été principalement consacrée à la gestion de la loi « Macron ». Cela m’a obligé à mettre de côté mes projets sur l’évolution de la profession.
Au printemps prochain, je vais lancer le « plan d’avenir » afin de moderniser la profession. Il s’agira de l’axe majeur de la seconde partie de mon mandat.

Je souhaite que les offices notariaux constituent un réseau d’excellence en matière de services juridiques. Un label qualité sera donc étudié et permettrait de garantir que les prestations soient rendues de manière homogène sur l’ensemble du territoire français.

Ce « plan d’avenir » est bâti par l’ensemble des acteurs de la profession, que se soient les élus dans les régions ou les délégués nationaux du Conseil Supérieur. Un vrai travail prospectif est réalisé et tout est fait pour adapter notre profession aux nouveaux besoins des français

Avez-vous commencé à réfléchir à des mesures pour faire face aux conséquences négatives annoncées par l’étude d’impact réalisée par EY ?

Au niveau de la structure ordinale du Conseil Supérieur, j’ai demandé que des efforts financiers soient effectués, que des économies soient faites pour que le montant des cotisations versées soit en adéquation avec les futures possibilités contributives des notaires.
En outre, nous travaillons sur la formation dont le financement est assuré en totalité par la profession et qui représente des sommes extrêmement importantes chaque année. J’ai souhaité que nous réfléchissions à une réforme pour permettre d’atteindre à un équilibre économique indispensable pour la profession.

Le conseil gratuit est menacé et l’aide juridictionnelle l’est également chez les avocats. Quel est votre sentiment sur la direction que semble prendre le gouvernement au sujet de l’accès au droit pour les plus démunis ?

Depuis le début des débats, notre préoccupation a été de pouvoir maintenir l’accès au droit qui résulte du maillage territorial. Selon moi, le premier réseau juridique en France est le réseau notarial. Vous pouvez trouver des offices là où il n’y a plus de bureaux de poste et à des endroits où il n’y a jamais eu d’avocat. Notre intention est de faire en sorte que ce réseau puisse être maintenu avec ce maillage. J’ai le sentiment que cette volonté est partagée par les ministères concernés et notamment par le Ministère de l’Economie.
En ce qui concerne le conseil gratuit, c’est important que nous puissions le maintenir.

Concernant la liberté d’installation, ne craignez-vous pas de voir vos jeunes collaborateurs partir plus rapidement ? Avez-vous réfléchir à des mesures pour les inciter à conserveur leur poste ?

Un point fondamental va être étudié concernant la liberté d’installation : les modalités d’établissement des cartes et notamment la détermination des zones carencées. Il faut rappeler qu’en France, nous avons une densité notariale qui est le double de celle en Europe. Nous sommes 14 notaires pour 100 000 habitants alors que la moyenne européenne est de 7. Selon cette statistique, j’en déduis que les zones carencées ne seront pas si nombreuses.
La gestion de l’installation par voie de création est un vrai challenge qu’il va nous falloir relever. J’ignore le nombre de candidats intéressés par cette voie mais c’est à nous de conjuguer à la fois l’emploi attractif dans les offices et cette liberté d’installation qui sera progressive et limitée aux zones carencées.

Que pensez-vous des startup du droit qui s’installent petit à petit sur Internet ?

C’est un défi auquel la profession doit faire face. Plutôt que d’attaquer un certain nombre de plateformes, nous avons fait le choix d’entrer en compétition avec eux. En 2016, nous allons sortir un certain nombre d’outils que nous mettrons à la disposition du public de sorte qu’Internet devienne la nouvelle porte d’entrée de nos offices. En matière technologique, la profession est certainement la profession juridique la plus en pointe avec notamment l’acte authentique électronique. Nous allons fêter notre deux millionième acte authentique électronique archivé. Notre réseau intranet va être rénové et permettre la visio-conférence ainsi que la signature d’actes à distance. Il sera donc possible de signer, à deux endroits différents, le même acte.
Nous avons à cœur de nous inscrire dans la modernité technologique et nous allons accentuer nos efforts avec des outils à destination du grand public.

Propos recueillis par Réginald Le Plénier

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