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Une loi cadre pour la restitution des biens culturels spoliés
Parution : vendredi 19 mai 2023
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La restitution des biens culturels spoliés est l’objet d’un récent projet de loi présenté par la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, le 19 avril 2023. Cette nouvelle percée du sujet dans l’appareil législatif est l’occasion de revenir sur les enjeux et les démarches relatives à la restitution de ces biens.

Concomitamment avec la restitution de trois œuvres (deux tableaux et une sculptures) spoliées [1], le projet de loi cadre entend faciliter ce type d’opération pour les biens culturels relevant du domaine public et concernés par les spoliations antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Il s’agit ainsi de faire la lumière sur la provenance de certains biens conservés actuellement dans les collections publiques françaises afin de les restituer, le cas échéant, aux propriétaires légitimes victimes des persécutions antisémites ou à leurs ayants droit. Les biens visés sont autant les œuvres et objets d’art que les instruments de musique ou encore les livres.

Plus de 100 000 biens auraient été spoliés ou vendus sous contrainte, en France, durant la seconde guerre mondiale, mais la procédure de restitution reste aujourd’hui longue et complexe : même si ces biens ont un régime juridique spécifique depuis 1943, les lacunes des mécanismes étatiques visant à la restitution et à l’indemnisation continuent d’être soulevées. C’est ce qu’explique Béatrice Cohen, avocate, dans son article « Œuvres d’art spoliées : comment en obtenir la restitution ? », publié par notre cousin, le Village de la Justice.

Pour rappel, le principe d’inaliénabilité, posé par le code du patrimoine, rend inaliénables les biens qui composent les collections des musées de France car appartenant à une personne publique et, donc, faisant partie de leur domaine public [2].

Or il faut distinguer :

Cela explique donc le fait que la restitution des biens inscrits dans les collections publiques soit plus rare. L’un des apports de cette loi est la création, dans le code du patrimoine, d’une dérogation au principe d’inaliénabilité permettant de faire sortir du domaine public un bien culturel se révélant avoir été spolié le 30 janvier 1933 (date d’accession au pouvoir d’Adolf Hitler) et le 8 mai 1945 (capitulation allemande). Le bien serait alors restitué à ses propriétaires légitimes. Une commission administrative spécialisée serait chargée d’émettre un avis en amont, plus précisément la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites pendant l’Occupation (CIVS).

Le sujet nécessite donc actuellement de légiférer au cas par cas. La forme de cette loi (une loi cadre) a pour but de parer à la multiplication de différentes lois venant autoriser de telles restitutions, la question faisant l’objet d’un regain d’intérêt ces dernières années. Ce projet de loi intervient en effet un an après l’adoption d’une première loi du 21 avril 2022 [3] qui avait déjà permis la restitution de quinze œuvres dont une jusqu’alors conservée au Musée d’Orsay, à Paris.

C’est à l’unanimité que le Sénat a adopté le projet de loi cadre, le 23 mai 2023. C’est maintenant au tour de l’Assemblée nationale de l’examiner en première lecture.

Notons que l’actualité de la restitution est aussi marquée par le lancement, par le ministère de la Culture, en mars 2023, du podcast « À la trace », dont chacun des six épisodes retrace l’histoire de la restitution d’une œuvre spoliée à l’époque nazie.

Pour en savoir plus sur le projet de loi cadre relatif à la restitution des biens culturels spoliés, consultez le compte-rendu du Conseil des ministres du 19 avril 2023.

[Article mis à jour le 23 mai 2023]

[1Dossier de presse accessible ici

[3L. n° 2022-218, 21 fév. 2022, JO 22 fév., relative à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites.