Quels sont les cas d’usage concrets du métavers pour un notaire ?

Guillaume de Bruc : Les notaires ont déjà commencé à communiquer sur le sujet, mais aucune véritable expérimentation globale, immersive, n’avait jusqu’ici été mise en oeuvre. Malgré les publications juridiques, le fonctionnement réel est encore un peu abstrait pour la profession. L’idée est donc d’accompagner les notaires pour qu’ils investissent le terrain de deux façons.

L’un des premiers sujets est celui de la question de la transmission des cryptoactifs aux proches de leurs détenteurs, qui, dans leur quasi-unanimité, n’ont pas encore songé à cette question de la transmission. C’est pourquoi il nous a semblé qu’il y avait là un sujet dont le notariat pouvait s’emparer pour sécuriser la transmission des crypto-actifs.

C’est une opportunité de développement que de pouvoir se placer dans l’environnement-même de clients potentiels

L’idée a donc été, d’abord, de créer une expérience pour les joueurs titulaires de crypto-actifs sur le métavers. L’objectif était de reproduire, dans le métavers, des évènements qui avaient déjà lieu dans la vraie vie et au cours desquels les notaires conseillent les personnes dans divers endroits. Il s’agit donc d’inviter les joueurs détenant des cryptoactifs à venir dans telle workroom pour prendre un conseil préliminaire auprès d’un notaire, se renseigner sur la fiscalité, etc. C’est indéniablement une opportunité de développement que de se placer dans l’environnement-même de ces clients potentiels.

Les opportunités peuvent-elles être d’une autre nature que l’accès à un certain type de clientèle ?

G. B. : Des personnages non-joueurs (PNJ) peuvent les orienter et les inviter à aller voir leur notaire, dans la vie réelle, au sein des offices, pour aborder la question de la transmission de leurs crypto-actifs. Cela est aussi un moyen d’attirer de nouveaux talents qui ont une appétence particulière pour la tech et l’innovation (R&D, IA, ingénieurs…) et recruter des collaborateurs. Les PNJ pourront par exemple faire passer des tests de recrutement et proposer aux joueurs de prolonger leurs échanges en entretien.

Le projet que nous présenterons consiste à donner accès à l’espace d’une workroom SPATIAL et à un immeuble dans The SandBox, dans lequel les professionnels pourront se déplacer. Chaque personne qui se connecte dans le métavers peut activer sa webcam et personnaliser son avatar. On y trouve de nombreux emplacements où l’on peut notamment présenter des vidéos, des toiles d’artistes NFT. Il est possible d’y avoir des échanges interactifs avec les autres personnes présentes dans l’environnement. À terme, le notaire pourra donc y organiser des conférences, y diffuser des vidéos sur la transmission de patrimoine, etc. Il s’agit véritablement d’un espace d’accueil et de communication en immersion complète. C’est donc aussi un outil de marketing et de communication assez intéressant.

Pourrait-on aller plus loin et imaginer que le notaire remplisse intégralement son office dans le métavers ? Quelles en seraient les conditions (déontologie, sécurité, confidentialité, etc.) ?

G. B. : Pour l’expérience que nous proposons, tout passe par le cloud et nous ne sommes finalement pas très loin d’un rendez-vous sur une application de visioconférence classique, à ceci près qu’on est en trois dimensions ! Les mêmes règles de confidentialité et de sécurité trouvent donc à s’appliquer. Par ailleurs, le notariat a déjà des outils spécifiques pour assurer la confidentialité des données lors de la signature des actes, mais ils ne peuvent pas instrumenter, le notaire ne peut pas procéder à la signature d’un acte authentique dans le métavers.

L’idée de ce projet n’est évidemment pas d’empiéter sur les conditions d’exercice des prérogatives de puissance publique des notaires. Naturellement, si demain, un notaire décide de créer une étude dans le métavers stricto sensu, il faudra effectivement que les instances notariales se prononcent sur ce qu’il est possible de faire ou non, quel métavers utiliser, etc.

Je suis convaincu qu’un réseau de notaires de référence sur le sujet du métavers finira par se créer.

Mais l’idée d’une étude dans le métavers est envisageable pour toute la partie conseil de la profession. Je suis convaincu que finira par se créer un réseau de notaires de référence sur le sujet du métavers, à l’instar de certains offices spécialisés dans l’hôtellerie, le domaine viticole, etc.

Cette incursion dans le métavers pourrait-elle aussi se développer pour des schémas interprofessionnels, de type family office ou autre avec des avocats, des CGP… ?

G. B. : Oui ! Tout cette partie conseil est assez facile à agréger. Notre idée est d’en faire profiter d’abord les notaires et ensuite d’étendre l’expérience aux autres professions. Je ne doute pas qu’un notaire puisse se créer un espace avec un expert-comptable, un commissaire de justice, un avocat, évidemment. Cela serait probablement même plus facile que dans la "vraie" vie, où il faut louer des locaux et gérer la confidentialité et autre de manière différenciée.

Le notariat est-il prêt pour le métavers ? Quelles ont été les réactions des notaires que vous avez pu interroger à ce sujet ?

G. B. : Nous avons en effet consulté plusieurs notaires dans le cadre du développement de notre projet. J’ai notamment eu l’occasion d’intervenir dans des assemblées générales de chambres et dans certains réseaux notariaux où j’ai pu discuter de cette expérience et leur demander s’ils étaient intéressés.
Cela m’a aussi permis de leur demander s’ils voyaient d’autres cas d’usage du métavers, ce qui est encore un peu abstrait. Mais tous étaient enthousiastes à l’idée d’expérimenter le métavers. Après le Congrès, nous pourrons discuter avec les notaires qui auront accédé à la workroom pour réfléchir aux façons d’améliorer leur expérience.

Propos recueillis par A. Dorange et Alix Germain

Fin septembre 2022, la division Solutions pour les notaires du groupe Septeo a annoncé son incursion dans le métavers. La solution étant opérationnelle, cette nouvelle expérience sera proposée aux notaires pendant le Congrès, afin qu’ils et elles puissent la tester avec un casque de réalité virtuelle et se déplacer dans le métavers !