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Cryptos en France : une notoriété record, une adoption à la traîne
Parution : mardi 6 mai 2025
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En France, les crypto-actifs font désormais partie du paysage de la société. Leur omniprésence dans les discours médiatiques et leur intégration progressive dans les débats économiques ont façonné une perception de plus en plus familière auprès du grand public. Pourtant, cette reconnaissance sociale ne s’accompagne pas d’un véritable essor de l’adoption. Alors que les intentions d’achat progressent, la détention effective stagne, voire recule. Ce paradoxe est au cœur de l’étude annuelle pilotée par l’Adan, réalisée en collaboration avec Deloitte et Ipsos [1]. Pour la quatrième année consécutive, cette enquête approfondie suit les usages des particuliers et les dynamiques du secteur Web3 [2] en France et en Europe, dessinant une cartographie complète des espoirs, des blocages et des trajectoires de cette industrie en devenir.

Une notoriété quasi universelle, portée par les médias et les réseaux

L’année 2025 marque une avancée majeure en termes de visibilité des crypto-actifs auprès des Français. Selon les résultats de l’étude [3], 92 % de la population déclare connaître au moins un type d’actif numérique, qu’il s’agisse de cryptomonnaies, de stablecoins régulés ou de NFT (de l’anglais non-fungible token ou jeton non fongible en français - JNF). Cette hausse de 8 points en un an illustre une accélération notable, portée à la fois par la dynamique du marché, des campagnes d’information plus fréquentes et une présence accrue dans les médias généralistes.

Cette exposition se consolide également sur les réseaux sociaux, qui constituent la principale source d’information pour 26 % des personnes interrogées, juste devant les échanges avec des proches (25 %). Les NFT atteignent désormais 45 % de notoriété (contre 36 % en 2024), tandis que les stablecoins régulés stagnent à 17 %, avec un retard notable en France par rapport à l’Italie (29 %) ou au Royaume-Uni (25 %). La France se distingue donc par une connaissance généralisée des actifs, mais cette culture crypto ne semble pas encore s’incarner dans les comportements d’achat.

Une base d’investisseurs qui ne progresse plus

Alors que l’on pourrait s’attendre à ce que cette popularité croissante se traduise en actions concrètes, les chiffres liés à la détention indiquent un phénomène inverse. En début d’année 2025, seuls 10 % des Français déclarent posséder un ou plusieurs crypto-actifs, soit environ 5,5 millions de personnes. Ce taux marque un léger recul par rapport à 2024, où il s’élevait à 12 %. Parmi ces détenteurs, seuls 7 % continuent d’en acquérir activement. Les cryptomonnaies restent les plus populaires, détenues par 9 % de la population, tandis que 13 % déclarent en avoir possédé au moins une fois. Les NFT, malgré une meilleure reconnaissance, ne sont plus détenus que par 3 % des Français, et les stablecoins régulés chutent de 6 % à 3 %. Si l’intérêt reste fort (33 % des Français envisageant un achat) la majorité n’est pas encore passée à l’acte. Cela fait de la France l’un des pays les moins engagés d’Europe sur ce plan, loin derrière le Royaume-Uni (19 % de détenteurs), les Pays-Bas et la Belgique (17 %), ou l’Italie (15 %, en forte hausse).

Une typologie d’investisseur en mutation mais encore très marquée

Le profil des détenteurs français reste très homogène, bien que certaines évolutions soient à noter. En 2025, 67 % des investisseurs sont des hommes, un chiffre en léger recul comparé aux années précédentes, mais toujours très élevé. L’âge médian diminue aussi : 42 % ont entre 18 et 34 ans, dont 18 % entre 18 et 24 ans et 24 % entre 35 et 44 ans. Ces jeunes générations restent les plus enclines à explorer les usages du Web3, poussées par une familiarité plus grande avec les interfaces numériques et un appétit pour des solutions alternatives d’épargne. Du côté des revenus, la fracture se réduit également : 28 % des détenteurs gagnent plus de 48 000 € par an, mais 42 % se situent sous les 30 000 €, témoignant d’une démocratisation progressive. En parallèle, la répartition géographique confirme une concentration en région parisienne (27 % des investisseurs), même si les zones rurales voient leur part augmenter légèrement (73 % résident en province).

Des usages limités et des comportements prudents

L’image d’un investisseur crypto exclusivement motivé par la spéculation rapide est largement contredite par les chiffres. En France, 88 % des détenteurs effectuent moins de deux transactions par mois, et seulement 3 % réalisent plus de dix opérations mensuelles. Le montant moyen investi reste relativement modeste : 81 % des utilisateurs ont engagé moins de 5 000 € et la moyenne nationale se situe entre 3 116 € et 3 922 €. En termes d’allocation, les Français se montrent prudents : 64 % consacrent moins de 10 % de leur épargne aux actifs numériques. Cela place la France parmi les pays les plus frileux d’Europe, avec une moyenne nationale de seulement 2 % de l’épargne allouée aux crypto-actifs, contre 26 % au Royaume-Uni ou 22 % en Belgique. Même parmi les détenteurs, le pourcentage dédié atteint à peine 17 %, là où l’Italie et l’Allemagne flirtent avec les 20 %.

L’environnement perçu comme complexe et peu engageant

Les freins à l’adoption ne manquent pas. La perception du risque financier reste centrale, mais elle se conjugue à d’autres barrières plus structurelles. Un tiers des non-investisseurs invoquent un manque d’intérêt, un autre tiers évoque la volatilité comme motif de méfiance. D’autres citent la complexité des outils (21 %), l’absence d’épargne disponible (18 %), ou encore le flou réglementaire (17 %). Fait notable : l’impact environnemental, souvent pointé du doigt dans les débats publics, n’est perçu comme un frein que par 6 % des non-initiés. En revanche, les investisseurs, eux, s’en préoccupent davantage : 53 % déclarent que cet enjeu influence leur choix d’actifs ou d’intermédiaires. Ces éléments traduisent une forme de maturité chez une partie du public, mais aussi un besoin de pédagogie et de simplification pour accompagner l’élargissement de la base d’utilisateurs.

[2Définition : Le Web3 est une nouvelle version d’Internet où les utilisateurs peuvent posséder et contrôler directement leurs données, leurs contenus et leurs actifs numériques, grâce à la blockchain. Contrairement au Web traditionnel (Web2), dominé par de grandes entreprises, le Web3 propose de redistribuer le pouvoir aux utilisateurs en leur permettant de posséder, contrôler et monétiser directement leurs contenus, leurs données et leurs identités numériques.

[3Enquête menée en janvier 2025 auprès de 2 000 Français âgés de 18 ans et plus. Des échantillons d’environ 1 000 répondants ont été constitués dans cinq autres pays européens : l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et, nouveauté cette année, la Belgique.