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Fraude, blanchiment, contrefaçon : le tandem TRACFIN–AGRASC au cœur du dispositif de lutte (partie 2)
Parution : jeudi 15 mai 2025
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Deuxième et dernier volet de notre série consacrée au rapport « Lutter contre toutes les fraudes » publié par Bercy en mars 2025, cet article revient sur le rôle pivot de deux agences au sein de l’arsenal antifraude français : TRACFIN, cellule de renseignement financier, et l’AGRASC, en charge de la gestion des avoirs saisis. Leurs missions respectives, bien que distinctes, s’imbriquent dans une chaîne d’action plus large, allant de la détection des flux suspects à la confiscation des patrimoines criminels. En toile de fond : une logique de coopération inter-agences renforcée.

Antifraude : TRACFIN et AGRASC, maillons forts d’un écosystème en action

Ils sont discrets, mais décisifs. À l’heure où l’État affine son arsenal contre les fraudes, deux entités se distinguent par leur rôle central et leur coordination croissante : TRACFIN, la vigie des flux suspects, et l’AGRASC, le coffre-fort judiciaire de la République. Chacune à sa manière, elles irriguent l’ensemble du dispositif antifraude. Et c’est dans leur complémentarité que le système gagne en efficacité.

TRACFIN capte les signaux faibles, l’AGRASC frappe les patrimoines

Tout commence chez TRACFIN. En première ligne de la détection des fraudes, la cellule de renseignement financier de Bercy scrute les flux, traite les alertes, et oriente les soupçons. En 2024, elle a reçu plus de 215 000 déclarations, émanant des professionnels assujettis : banquiers, notaires, agents immobiliers, plateformes crypto…

Derrière cette avalanche de données, un tri rigoureux est effectué. L’objectif : fournir des pistes solides aux enquêteurs, aux magistrats, mais aussi à l’administration fiscale ou sociale. Lorsque les dossiers basculent en contentieux, l’AGRASC entre en scène. Cette agence, rattachée au ministère de la Justice, gère les avoirs saisis dans les procédures pénales. Véhicules de luxe, biens immobiliers, comptes bancaires : en 2024, elle a transformé 255 millions d’euros de biens criminels en ressources publiques.

Des transmissions décisives, des retours concrets

TRACFIN n’est pas qu’un centre d’alerte : c’est un hub d’informations stratégiques. En 2024, plus de 16 000 transmissions ont été effectuées à ses partenaires. Résultat : des contrôles ciblés, des redressements significatifs, des fraudes stoppées net. Quelques exemples :

Autrement dit, les données de TRACFIN font levier, bien au-delà de la seule sphère pénale. Elles irriguent l’ensemble des acteurs de la lutte contre les fraudes, qu’ils soient fiscaux, sociaux, ou judiciaires.

Une coordination inter-agences en nette montée en gamme

Ce qui change en profondeur dans le dispositif de lutte contre les fraudes ? La structuration de l’écosystème. En 2025, TRACFIN a lancé une nouvelle version de son formulaire de déclaration de soupçon. Plus intuitif, mieux calibré selon les métiers, il facilite le travail des professionnels et accroît la qualité des signalements. Cette montée en gamme rejaillit directement sur les investigations.

De son côté, l’AGRASC ne se contente plus de gérer les avoirs criminels. Elle s’inscrit désormais dans une logique de traçabilité et de réutilisation. Une partie des fonds récupérés à l’issue de la vente des biens criminels saisis est reversée aux victimes, financent la MILDECA (politique antidrogue), ou reviennent à des États spoliés, comme récemment en Afrique.

Un tandem qui inspire, une coopération à renforcer

TRACFIN et AGRASC constituent aujourd’hui un modèle de chaîne antifraude intégrée, salué au niveau européen. Une logique « 360° » : détecter, enquêter, confisquer, restituer. Le tout articulé avec les services de la DGFiP, de l’Urssaf, de la CNAF, de la Justice et du ministère de l’Intérieur.

Mais cette synergie, bien huilée en France, bute encore sur des obstacles internationaux : coopération juridique laborieuse, bases de données cloisonnées, cadres hétérogènes selon les pays.

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