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Notaire et médiateur, une valse à deux temps. Par Agathe Goffin

Notaire et médiateur, une valse à deux temps. Par Agathe Goffin

Pourquoi si peu de mutualisation entre le notaire et le médiateur dans le cadre des conflits successoraux ? Identifions les enjeux de chaque profession pour mieux comprendre ce qu’elles peuvent s’apporter mutuellement ; car traiter les problèmes à la racine permet de servir les intérêts de toutes les parties prenantes dans le cadre du règlement des successions.

Gérer un litige et résoudre un conflit : quelle différence ?

Le notaire est le premier interlocuteur des familles endeuillées. Même s’il fait tout son possible pour trouver un arrangement entre les héritiers, il n’est pas spécialement formé à la gestion de conflit, et pourtant chaque mot du testament est interprété comme une reconnaissance ou une sanction. Certains notaires suivent une formation de médiateur (la formation de médiateur de 50 heures pour les notaires de profession est dispensée par le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris et n’est pas celle de médiateur familial) mais, même pour ceux-là, l’exercice reste difficile, car il faut arriver à « changer de casquette » et à s’extraire de l’implication de l’élaboration d’une solution purement juridique inhérente à leur profession : le cœur de leur métier est de permettre la transmission d’un patrimoine à des héritiers.

Lorsque des blocages surgissent, ils peuvent se retrouver démunis face à un conflit entre la fratrie, alors qu’ils sont aux premières loges de ce conflit naissant. Ils proposent alors des solutions juridiques à leurs clients pour sortir de l’impasse et deviennent plus des conciliateurs que des médiateurs. Ils vont alors donner leur avis sur les différents choix à faire. En revanche, le médiateur familial n’a aucune autre fonction que celle d’accueillir les personnes. Le notaire ne résout pas le problème, il gère le litige : mais sortir de l’impasse concrète avec un notaire n’est pas identifier les besoins profonds avec un médiateur familial. La solution juridique, quelle que soit son équité sur le papier, ne réparera jamais un sentiment d’injustice ou une blessure narcissique.

L’argent est certes monétaire, mais il a aussi une valeur symbolique et affective bien plus importante que sa seule valeur économique. Le savoir-faire du notaire, la solidité de sa formation juridique est incontestable, mais son savoir-être face au conflit est une autre histoire. Le règlement d’une succession demeure, avec le divorce, le révélateur principal des conflits familiaux : la disparition de l’être aimé, admiré, envié (parfois détesté) canalise les rancœurs, les frustrations et déclenche les conflits latents. Le notaire se trouve alors souvent dépourvu.

Son regard technique devient insuffisant. Il devra utiliser d’autres éléments que la seule règle juridique, ce qui nécessite des connaissances et des apprentissages d’un autre registre. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause les qualités humaines du notaire, mais il semble essentiel, pour ceux qui ne sont pas formés, et dans des situations aussi complexes, de faire appel à des médiateurs familiaux diplômés d’État. Selon Delphine Chauveinc, médiatrice familiale, « les notaires ne se sont pas complètement emparés de l’outil qu’est la médiation. Cela me semble dommage car la médiation aurait un intérêt pour leurs clients et pour eux également. Avoir l’aide d’un médiateur leur permettrait de se concentrer sur les aspects juridiques. Le médiateur est là pour permettre aux parties d’échanger, il travaille sur la relation et laisse les professionnels du droit trouver les solutions juridiques. ».

La nécessaire cohésion entre ces acteurs apparaît évidente : d’une part, le médiateur parvient à rétablir une qualité relationnelle entre les parties et à trouver une solution rapide et pérenne et, d’autre part, le notaire, une fois la communication restaurée, peut établir un acte conforme à la volonté des parties et au droit. La médiation s’intéresse au conflit avant que les parties trouvent une solution au litige.

Notaire et médiateur : quelle complémentarité pour quelle efficacité ?

Si les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance n’hésitent pas à encourager les personnes à aller vers la médiation, il serait fort intéressant que les notaires adoptent ce réflexe en ce qui concerne la médiation successorale et deviennent prescripteurs eux aussi, ce qui est encore rarement le cas. Dans les deux cas, une rupture (séparation, divorce, placement, décès, qui a pour conséquence un conflit à l’intérieur de la famille, entrave des relations apaisées, empêchant même parfois l’application la loi.

Le notaire, comme les juges et les travailleurs sociaux, pourrait lui aussi prôner l’ empowerment (c’est à dire la capacité des individus à décider de leur sort, la reprise en main de leur vie et de leurs choix), en expliquant aux héritiers que la médiation est l’opportunité de trouver eux-mêmes les solutions à leur différend. Grâce à cet empowerment acquis en médiation, la personne accroît ses habiletés favorisant l’estime de soi, la confiance en soi, l’initiative et le contrôle. Certains parlent de processus social de reconnaissance, de promotion et d’habilitation des personnes dans leur capacité à satisfaire leurs besoins, à régler leurs problèmes et à mobiliser les ressources nécessaires de façon à se sentir en contrôle de leur propre vie. Proposer une médiation à ses clients, c’est donc pour le notaire leur offrir la possibilité de construire ensemble. La décision de justice, elle, ne garantit pas une solution satisfaisante pour les deux parties, faisant souvent un déçu.

De plus, le notaire dispose d’arguments matériels qui ont aussi leur importance : la médiation sera un processus moins coûteux et plus rapide qu’une procédure judiciaire. Dans le cas d’une indivision, elle peut éviter la désignation d’un administrateur provisoire : non seulement la médiation sera moins coûteuse une fois encore, mais elle évitera qu’un tiers s’immisce dans les affaires familiales. Enfin, un autre argument que le notaire peut faire valoir est celui de la rapidité : une médiation dure en moyenne trois mois (renouvelables bien sûr).

Quant à l’intérêt direct pour le notaire lui-même, là aussi, c’est le gain de temps : étant payé à l’acte (en fonction du montant de la succession et non du temps passé), le notaire a tout intérêt à un règlement plus rapide et pérenne des successions en étant prescripteur de la médiation familiale : cela allège sa charge de travail et permet à son étude de traiter un volume de dossiers plus important.

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